Économie

Maroc : la SGTM se diversifie et accélère son internationalisation

Confronté à un marché local atone, le leader marocain du BTP multiplie les chantiers au sud du Sahara et devient producteur de ciment.

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Par - à Casablanca
Mis à jour le 18 octobre 2019 à 12:19

Une cimenterie (image d’illustration). © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique

À la mi-septembre, Hamza Kabbaj était de nouveau à Abidjan, cette fois pour le démarrage des travaux du carrefour de l’Indénié. La capitale ivoirienne est depuis quelques années une étape clé dans les multiples déplacements du directeur général et responsable Afrique de la Société générale des travaux du Maroc (SGTM).

Ce chantier, d’une valeur de 36 millions d’euros, est le troisième remporté ces dernières années par le leader marocain du BTP dans le gigantesque projet de sauvegarde et de valorisation de la baie de Cocody, au coût de 425 millions d’euros, que pilote son compatriote Marchica Med. Sa filiale ivoirienne SGTM-CI, créée en 2012, a été recapitalisée à hauteur de 200 millions de F CFA (305 000 euros) il y a deux ans, et revendique employer plus de 400 salariés.

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« Hamza Kabbaj passe davantage de temps en dehors du Maroc à chercher les affaires et à nouer des liens avec les plus gros décideurs et faiseurs de marchés », note un banquier spécialiste du secteur. « L’Afrique subsaharienne est un levier de développement complémentaire pour la SGTM, reconnaît son directeur général. Il y a quelques années, nous attendions encore que les opportunités viennent à nous. Aujourd’hui, nous prospectons beaucoup et anticipons les projets. Nous aimerions que le chiffre d’affaires en dehors du Maroc atteigne 35 % à 40 % de nos revenus globaux d’ici à cinq ans. »

Si elles ne représentent que 10 % des 350 millions d’euros engrangés en 2018, ces activités constituent déjà une force d’appoint importante pour l’entreprise créée en 1971, confrontée à un marché marocain du BTP concurrentiel et volatil. En 2017, son chiffre d’affaires était retombé en dessous du niveau de 2014. « Cela fait trois ans que nous connaissons une baisse de rythme en matière de construction, mais nous pensons que dans deux ans le secteur se relancera », assure Hamza Kabbaj, qui copilote le groupe familial avec son cousin Ali.

Concurrence marocaine sur le continent

En attendant la reprise au Maroc, SGTM Africa, qui chapeaute des activités en dehors du royaume, poursuit son expansion et a même sollicité le statut Casablanca Finance City, qui offre des incitations fiscales et de recrutement pour l’expansion en Afrique. Le plus gros projet géré par cette filiale concerne le barrage de Nachtigal, au Cameroun, un chantier de 400 millions d’euros, dont 35 % reviennent à la SGTM.

En 2020, le Cameroun devrait d’ailleurs devancer la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, et devenir le premier contributeur, après le Maroc, au chiffre d’affaires de SGTM. Le groupe, qui compte une filiale en Tanzanie, prospecte aussi au Mozambique et à Madagascar. Comme son concurrent marocain Travaux généraux de construction de Casablanca (TGCC), mais plus tôt que ce dernier, SGTM a su tirer profit des tournées panafricaines du roi Mohammed VI. « Beaucoup cherchent encore à faire cavalier seul au lieu de se regrouper », regrette Hamza Kabbaj, selon lequel il y a cependant « des discussions pour monter des groupements et s’entraider dans le financement ».

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Sur son marché local, la SGTM tente également de creuser de nouveaux filons. En juillet, elle a lancé la cons­truction de sa première cimenterie, à El Jadida, en partenariat avec le danois FLSmidth, pour un coût de 2,6 milliards de dirhams (240 millions d’euros). À son démarrage, en mars 2022, cette unité produira 3 600 tonnes par jour. « Ce secteur est complexe, présente nombre de barrières et compte plusieurs acteurs de taille – comme HeidelbergCement et LafargeHolcim. Mais d’un point de vue stratégique c’est un virage assez audacieux. De plus, c’est le premier projet après la disparition du père fondateur, les successeurs ont la pression », lâche notre banquier.

Il y a une complémentarité entre ce que fait le leader du BTP et la cimenterie, mais la SGTM ne pourra pas tout absorber

C’est ce dernier qui a porté ce projet pendant une dizaine d’années, afin d’accroître la diversification du groupe et de réaliser une intégration horizontale. « Il y a une complémentarité entre ce que fait le leader du BTP et la cimenterie, mais la SGTM ne pourra pas tout absorber. Il faudra rentabiliser cette unité industrielle en fournissant des concurrents aussi », estime un spécialiste du secteur.

Chantiers marocains

Hamza Kabbaj n’est pas d’un avis différent : « L’idée est de devenir un fabricant et un marchand de ciment. Nous nous focaliserons sur le Maroc dans un premier temps, pour nous intégrer dans le paysage économique local. » La SGTM n’exclut pas à moyen terme d’exporter le clinker.

Son carnet de commandes ne désemplit cependant pas au Maroc, où il est estimé à une dizaine de milliards de dirhams. Parmi ses chantiers : la construction de trois grands barrages (Marrakech, Errachidia et Keddousa) et le projet portuaire « Nador West Med » (7,61 milliards de dirhams), réalisé en consortium avec le turc STFA et le luxembourgeois JDN. Le français PSA lui a aussi renouvelé sa confiance en lui attribuant la phase 2 de son usine marocaine (livraison en mars 2020).

« C’est un nouveau métier qui est devenu une spécialité. Nous proposons à ces industriels de s’occuper de tout. C’est-à-dire des autorisations, des études, de l’architecture jusqu’à la construction », se réjouit Hamza Kabbaj. Preuve s’il en fallait des vertus de la diversification, cette activité représente aujourd’hui 15-20 % du chiffre d’affaires de la SGTM.


Family Business

Depuis le décès, au début de 2019, d’Ahmed Kabbaj, le père de Hamza, qui a cofondé le groupe dans les années 1970 avec son frère M’Hammed, la deuxième génération de la famille est montée en première ligne. Âgé de 77 ans, M’Hammed a hérité de la présidence du groupe, tandis que son fils Ali et son neveu Hamza sont tous les deux directeurs généraux.


Hamza Kabbaj, le monsieur Afrique

Diplômé en génie civil de l’université de Londres, le DG de SGTM a rejoint le groupe en 2002, comme ingénieur travaux, à Afourer et au port de Casablanca. Appelé au siège, il s’occupe de la réorganisation et de la modernisation, et a créé en 2006 la Business Unit Africa, devenue ensuite une filiale qu’il gère depuis ce jour.