
Félix Tshisekedi, lors de sa visite à Bunia, dans l'est de la RDC, le 2 juillet 2019. © DR / Présidence de la République RDC
L’Histoire, parfois, est faite de revanches. Lorsqu’il a posé le pied sur le tarmac de l’aéroport de Bruxelles le 16 septembre, accueilli par le numéro deux du gouvernement belge pour sa première visite officielle en Europe, Félix Tshisekedi s’est sans doute souvenu de ce jour de 1983 où il débarqua en ce même lieu, avec sa mère et toute la fratrie.
Il n’avait pas 20 ans et, pendant de longues années, sa vie allait être celle d’un réfugié dépendant de l’aide sociale et familier des rues de Matonge. Son père, Étienne, était resté au Zaïre pour une décennie d’errance entre prison et relégation, seul ou presque face à un Mobutu qu’il avait un moment servi, avant de rompre courageusement avec lui.
Trente-six ans plus tard, l’homme qui foule les tapis rouges, passe en revue les haies d’honneur et s’en va prendre le thé avec le roi Philippe est au cœur de l’une des plus incroyables expériences de cohabitation qu’ait connues l’Afrique.
Cogestion pacifique
Une sorte de cogestion pacifique (et transitoire) des affaires de l’État entre un président sortant – à qui il faut accorder le crédit de ne pas avoir cherché à imposer son dauphin – et son successeur, qui, petit à petit, est en train de se faire un prénom après avoir été porté au pouvoir en surfant sur le patronyme de son illustre père.
Bien rares parmi les observateurs étaient ceux qui, il y a huit mois, osaient croire en ce président, mal élu aux yeux de beaucoup, réputé influençable, sans expérience aucune et dont l’omniprésent et chevronné directeur de cabinet, Vital Kamerhe, tenait lieu de colonne vertébrale. Si tant est que ce jugement était fondé, force est de reconnaître que l’élève a vite appris.
Félix Tshisekedi a peu à peu comblé le lourd déficit de légitimité qui était le sien au lendemain de l’élection présidentielle
En multipliant les gestes d’apaisement sur le terrain politique et sur celui des libertés fondamentales, en négociant patiemment, pied à pied, avec Joseph Kabila la formation d’un gouvernement de coalition, en annonçant que son projet phare (à 37 millions de dollars par mois !) sera celui de la gratuité de l’enseignement primaire, Félix Tshisekedi a peu à peu comblé le lourd déficit de légitimité qui était le sien au lendemain de l’élection présidentielle. Résultat : au lieu de s’effriter une fois l’état de grâce dissipé, sa popularité s’est accrue. Il est vrai que d’état de grâce, il n’y eut point.
« Guest star »
La posture internationale qu’est en passe de se donner Félix Tshisekedi y est pour beaucoup. Le président atone et hésitant du One Planet Summit de Nairobi, en mars, est devenu, six mois plus tard, un orateur posé, fluide et jouant de sa stature.
Les Congolais apprécient cette métamorphose, eux qui ne demandent qu’à retrouver leur fierté de vivre dans un grand pays courtisé
Comme le mouvement se fait en marchant, l’assurance lui est venue en gouvernant, et tous ceux qui, de Washington à Kigali, en passant par Paris, Bruxelles, Luanda ou Lusaka, avaient publiquement douté de la validité de son élection le traitent aujourd’hui en guest star. Les Congolais apprécient cette métamorphose, eux qui ne demandent qu’à retrouver leur fierté de vivre dans un grand pays courtisé, eux qui depuis l’indépendance rêvent de ce qu’ils pourraient être si les richesses de leur sol et de leur sous-sol passaient enfin du stade de potentialités à celui de réalités.
Attention toutefois à l’excès d’hubris. Les Congolais étant par nature nombreux à soutenir un discours nationaliste et portés à vivre dans l’exaltation des lendemains qui chantent, tous les chefs d’État, de Mobutu à Joseph Kabila, ont joué de la corde prodigue du « Congo is back ». Avant, unanimement, de décevoir. « Une force patiente, humble et qui sait écouter » : ainsi se définit Félix Tshisekedi dans une récente interview au Soir. Puisse-t-il le demeurer.
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