Achille Mbembe : « Pour Robert Mugabe, la violence était indissociable de la politique »

Après des funérailles nationales dans l’immense stade de Harare, dont les 60 000 places sont restées aux deux tiers vides, un dernier hommage sera rendu à l’ex-président du Zimbabwe, ce lundi, dans son village de Kutama.

Des supporteurs du président réunis le 20 juillet 2016 à Harare. © Tsvangirayi Mukwazhi/AP/SIPA

Des supporteurs du président réunis le 20 juillet 2016 à Harare. © Tsvangirayi Mukwazhi/AP/SIPA

SYLVESTRE-TREINER Anna DSC_9446 copie

Publié le 15 septembre 2019 Lecture : 7 minutes.

Robert Mugabe, ancien dirigeant du Zimbabwe. © Tsvangirayi Mukwazhi/AP/SIPA
Issu du dossier

Robert Mugabe, l’ancien guérillero anticolonialiste qui avait fait du Zimbabwe son royaume

Le militant déterminé qui a façonné le Zimbabwe sur les cendres de la Rhodésie du Sud, sœur jumelle du pays de l’apartheid, s’est éteint le 6 septembre à l’âge de 95 ans. Si son règne de presque quatre décennies, interrompu en novembre 2017 par un putsch conduit par ses anciens compagnons d’armes, s’est achevé dans un autocratisme pétrifié, Robert Mugabe fut aussi un héros panafricain, aujourd’hui célébré sur le continent. Jeune Afrique a rouvert ses archives pour éclairer le parcours de « Comrade Bob ».

Sommaire

Robert Mugabe a raté sa sortie. Le président aux mille masques, l’acteur incontournable de la scène panafricaine, dont le nom reste intimement mêlé à celui de son pays, est mort seul, loin de chez lui, le 6 septembre.

Dans cette clinique de Singapour où, à 95 ans, il avait pris l’habitude de faire soigner son cancer de la prostate, entendait-il encore les hurlements de joie qui avaient envahi les rues de Harare à l’annonce de sa démission forcée, en novembre 2017 ? Il n’était déjà plus qu’un vieillard s’accrochant désespérément à un fauteuil sur lequel il n’arrivait même plus à monter seul. L’autocrate qui avait tant usé de la violence ne parvenait plus à faire peur. L’insatiable provocateur ne faisait plus sourire.

Trente-sept ans après son arrivée au pouvoir, qu’il semblait loin le héros de l’indépendance, le détenu des prisons du pouvoir blanc de Ian Smith, le combattant de la brousse de Rhodésie, courage et revolver accrochés à la ceinture. Le libérateur laisse un pays à genoux, livré aux mains de ses anciens lieutenants, au premier rang desquels son ex-vice-président, Emmerson Mnangagwa. Après l’heure des hommages viendra celui des comptes. L’historien Achille Mbembe livre, depuis l’Afrique du Sud où il est installé, son regard sur le dernier des pères des indépendances africaines, entre libérateur et dictateur, du garçon de Kutuma au « Comrade Bob ».

Jeune Afrique : Libérateur ou dictateur, quel Robert Mugabe l’histoire retiendra-t-elle ?

Achille Mbembe : Robert Mugabe a été un homme à plusieurs visages. Il a été un grand combattant, et son apport aux luttes de libération est ineffaçable. Il est également celui qui a présidé à l’effondrement économique et moral de son pays. Ces faces sont intimement liées, car il y a un point sur lequel il a été constant. Tout au long de sa vie, Robert Mugabe a cru en la violence. Pour lui, c’était indissociable de la politique.

Bien s’informer, mieux décider

Abonnez-vous pour lire la suite et accéder à tous nos articles

Image
Découvrez nos abonnements
la suite après cette publicité