Avec Pioneer Foods, PepsiCo élargit sa palette africaine

En misant 1,7 milliard de dollars sur le cinquième groupe agro-industriel du continent, le géant américain étend son champ d’action et son offre au sud du Sahara.

Les produits phares de Pioneer, dont ses céréales Bokomo, tombent dans l’escarcelle de l’américain. © Photo12/Alamy

Les produits phares de Pioneer, dont ses céréales Bokomo, tombent dans l’escarcelle de l’américain. © Photo12/Alamy

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Publié le 13 août 2019 Lecture : 5 minutes.

La rumeur avait déjà couru, en 2017, à travers la place financière de Johannesburg : Pioneer Foods serait en discussion avec une multinationale de l’agro-industrie pour un rachat. Deux ans plus tard, en raison, selon plusieurs analystes, de la difficile conjoncture macroéconomique de l’Afrique du Sud, l’opération a finalement été confirmée à la mi-juillet. Le numéro cinq africain de l’industrie des biens alimentaires (1,22 milliard d’euros de revenus en 2018) va être repris par PepsiCo.

Pour rafler le groupe sud-africain, le colosse américain (64 milliards de dollars de revenus en 2018) paie le prix fort : 1,7 milliard de dollars, soit onze fois la marge opérationnelle anticipée en 2020, et une prime de 56 % sur le cours moyen du titre à Johannesburg. Il faut toutefois noter que l’action Pioneer avait reculé de moitié depuis le début de l’année 2017.

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Étape décisive

« Alors que nous cherchons à accélérer notre croissance dans des marchés clés à travers le monde et à réaliser notre ambition d’être le leader mondial des aliments et des boissons de consommation courante, nous sommes absolument ravis de nous associer à Pioneer Foods, l’un des leaders sud-africains », s’est félicité Ramon Laguarta, patron de l’entreprise américaine, numéro un mondial des jus de fruit.

La transaction doit encore être formellement approuvée par les actionnaires de Pioneer – les principaux sont le capital-investisseur sud-africain Zeder Investments et le fonds de pension national Public Investment Corporation (PIC) – et les autorités de régulation, pour une finalisation attendue au début de l’année 2020.

Cette acquisition marque une étape décisive dans la longue et complexe histoire de PepsiCo avec Pioneer Foods et l’Afrique du Sud. Sorti du pays en 1985 sous la pression du boycott contre l’apartheid, le groupe américain a tenté à plusieurs reprises, depuis 1994, de reprendre pied dans la première économie industrielle du continent. Sans grand succès.

Un accord de franchise signé en 2006 avec Pioneer Foods pour l’embouteillage de Pepsi avait été abandonné en 2014, les partenaires n’ayant pu bousculer le leadership de Coca-Cola dans la nation Arc-en-Ciel. Au niveau mondial, en revanche, le groupe de Ramon Laguarta enregistre, grâce à sa stratégie de diversification, un chiffre d’affaires deux fois plus important que celui de la marque rouge.

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Forte popularité et précieux partenaires

Avec Pioneer Foods, PepsiCo, qui produit également des chips (Frito-Lay) et des céréales (Quaker), change de braquet et élargit radicalement sa gamme de produits en Afrique du Sud, en plus des boissons gazeuses. Certes, depuis le rachat dans les années 1990 du groupe familial Simba pour 55 millions de dollars, il produit et commercialise déjà des encas, des gâteaux et des chips sur le marché sud-africain sous les marques Simba, NikNaks, Lays et Doritos.

Mais, avec cette nouvelle acquisition, il met la main sur l’un des groupes agro-industriels les plus anciens et les plus diversifiés de l’Afrique du Sud. Certains des produits de Pioneer, dont sa variété de céréales Bokomo, sont connus et populaires depuis près d’un siècle, parfois même au-delà des frontières sud-africaines, au Nigeria et au Royaume-Uni notamment. Il en va de même pour ses jus de fruit (LiquiFruit, Ceres), ses farines et ses pains (Sasko).

PepsiCo rachète le sud-africain Pioneer Foods pour 1,6 milliard d'euros. © Ebrahim Noroozi/AP/SIPA

PepsiCo rachète le sud-africain Pioneer Foods pour 1,6 milliard d'euros. © Ebrahim Noroozi/AP/SIPA

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Le groupe dispose également d’importants partenaires, parmi lesquels le néerlando-britannique Unilever, dont il distribue la boisson Lipton Ice Tea en Afrique du Sud. De plus, il a poursuivi un important programme d’expansion ses dernières années, créant en 2016 en Afrique de l’Est une coentreprise avec Weetabix, sa deuxième joint-venture avec ce fabricant britannique de biscuits et d’encas.

Et, en juin 2018, il a repris Heinz Foods, qui distribue non seulement la célèbre marque américaine mais aussi les condiments de la marque sud-africaine Wellington’s et les produits surgelés de la marque Today (gâteaux, pizzas).

Une solide tête de pont pour son expansion

Vu de Purchase, dans l’État de New York, où est installé le siège de PepsiCo, le rachat de Pioneer représente aussi l’occasion rare d’une rapide expansion à travers le continent. Les revenus en Afrique de l’américain ne sont pas connus, ses activités y étant consolidées à travers deux unités opérationnelles : Europe et Afrique subsaharienne (18 % de son chiffre d’affaires) et Asie, Moyen-Orient et Afrique du Nord (9 %).

PepsiCo ne dispose d’ailleurs pas d’installations industrielles au sud du Sahara. Il est, en revanche, très présent en Égypte, où sa filiale indique avoir engagé plus de 600 millions de dollars entre 2014 et 2017, et prévoit plus de 500 millions de dollars d’investissements avant 2021.

« L’acquisition de Pioneer aidera PepsiCo à se doter d’une solide tête de pont pour son expansion en Afrique subsaharienne en renforçant ses capacités de fabrication et de mise sur le marché, ce qui lui permettra d’étendre ses activités et d’accroître sa distribution », s’est réjoui Tertius Carstens, directeur général de Pioneer Foods. Ce dernier exporte vers plus de 85 pays à travers le monde, dont l’Algérie, le Ghana, le Nigeria, Maurice et la RD Congo, mais aussi l’Australie, la Chine, la France et les États-Unis.

Sa division internationale a engrangé 3,2 milliards de rands (près de 195 millions d’euros) de recettes en 2018, soit un peu moins de 16 % de ses revenus. Elle réalise pourtant une marge opérationnelle (9 %) supérieure à celles de deux autres divisions du groupe, les aliments essentiels (riz, pâtes, pâtisserie ; 11,9 milliards de rands) et l’épicerie (céréales, jus de fruit, condiments, produits surgelés ; 5,1 milliards).

Le groupe sud-africain est également présent, à travers des coentreprises, en Namibie, au Botswana, au Kenya et au Nigeria. Pioneer Foods sera intégré à une nouvelle structure opérationnelle appelée PepsiCo Sub-Saharan Africa (PepsiCo SSA), dirigée par le Néerlandais Eugene Willemsen, vétéran du groupe américain, qui participait, depuis juillet 2015, à la gestion de ses franchises internationales.

Un concurrent local

Le rachat de Pioneer Foods par PepsiCo durcit son bras de fer avec Coca-Cola, mais accroît également la concurrence sur le marché sud-africain des biens de consommation courante. Tiger Brands (2,53 milliards de dollars de revenus en 2017) et RCL Foods (1,97 milliard) devraient être particulièrement touchés, alors que le leader local, Bidcorp, paraît trop important (10,57 milliards de dollars) pour être inquiété.

Le conflit devrait toutefois être limité par certaines différences de spécialisation : la plus forte présence de Tiger Brands sur les plats cuisinés ou celle de RCL Foods dans la volaille et les aliments pour animaux.

La riposte énergisante de Coca-Cola

Coca-Cola, grand rival de PepsiCo, poursuit sa stratégie de diversification. En avril, le numéro un mondial des sodas a lancé sa toute nouvelle déclinaison, Coca-Cola Energy, une boisson énergisante destinée à concurrencer le leader actuel du segment : Red Bull.

Depuis lors, ce produit, qui vise une clientèle jeune, est distribué dans quatorze pays, dont un sur le continent, l’Afrique du Sud. Coca-Cola Energy et Coca-Cola Energy No Sugar sont ainsi disponibles depuis le mois de juillet dans la nation Arc-en-Ciel, sous la forme de canettes de 300 ml vendues 15 rands pièce (0,90 euro).

D’ici à la fin de l’année, le géant américain devrait promouvoir son produit sur six nouveaux marchés, mais toujours pas aux États-Unis. Coca-Cola souhaite d’abord voir comment sa nouvelle offre fonctionne à l’étranger avant d’en sortir une version améliorée dans son pays d’origine.

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