Or : leader au Maroc, Managem veut explorer le continent

Managem, filiale du holding royal marocain Al Mada compte lever plus de 150 millions de dollars pour renforcer sa présence dans l’industrie aurifère au sud du Sahara, avec son mégaprojet de Tri-K en Guinée, mais aussi au Soudan et au Gabon.

Son gisement gabonais de Bakoudou, qui livrait 1 tonne d’or par an depuis 2011, est épuisé. © MANAGEM

Son gisement gabonais de Bakoudou, qui livrait 1 tonne d’or par an depuis 2011, est épuisé. © MANAGEM

Publié le 23 août 2019 Lecture : 4 minutes.

À la mi-juin, Managem a déboursé 21 millions de dollars pour accroître de 70 % à 85 % sa participation dans la mine d’or de Tri-K, à Mandiana, en Haute-Guinée, rachetant les parts de son partenaire britannique Avocet Mining. La filiale d’Al Mada (ex-SNI, holding de la famille royale du Maroc) est ainsi devenue le seul industriel au capital de l’entreprise, aux côtés de l’opérateur public Soguipami (Société guinéenne du patrimoine minier).

À partir de 2016, le groupe marocain, dirigé depuis lors par Imad Toumi (Polytechnique, HEC et ancien d’Areva), a doublé sa participation dans ce gisement prometteur, aux réserves estimées à 1,15 million d’onces (32,6 tonnes).

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Au démarrage de la production de Tri-K, prévu pour le dernier trimestre de 2020, l’entreprise aura investi au total 200 millions de dollars sur ce projet, soit 40 % de son chiffre d’affaires annuel. Elle prévoit d’atteindre 3 à 4 t annuelles pendant près d’une décennie, et compte emprunter 150 à 200 millions de dollars sur le marché marocain pour financer et poursuivre la phase de production.

Objectif : 7 tonnes d’or par an

Tri-K est un projet primordial pour Managem, qui s’est fixé l’objectif audacieux de produire 7 t d’or par an à moyen terme. Cela reste bien au-dessous du niveau des leaders sur le continent (Barrick, AngloGold Ashanti, Kinross, Newcrest Mining etc.), dont la production annuelle se compte en dizaines de tonnes, mais représente un changement de braquet significatif pour le groupe marocain. Sa production d’or a chuté à 600 kg l’an dernier : le gisement de sa mine de Bakoudou au Gabon, exploitée depuis 2011 et qui livrait 1 t d’or par an, est épuisé.

Les efforts portés sur Tri-K s’inscrivent dans une plus large stratégie visant à renforcer la part de l’or dans les sources de revenus de Managem

Les efforts portés sur Tri-K s’inscrivent dans une plus large stratégie visant à renforcer la part de l’or dans les sources de revenus de Managem, dominées par l’argent (29 % de l’excédent d’exploitation en 2017), le zinc et le plomb (22 %), le cobalt (21 %) et le cuivre (18 %). « La stratégie aurifère est essentielle pour nous. Nos activités couvrent plusieurs métaux, et notre portefeuille doit absolument être diversifié pour atténuer l’impact de la forte volatilité et de la fluctuation des cours », décrypte Imad Toumi.

Trois blocs d’exploration prometteurs au Soudan

Outre Tri-K, le groupe minier s’appuie également sur trois blocs d’exploration « prometteurs » au Soudan. Il y possède déjà une unité de production, à Wadi Gabgaba (Nord-Est), pour laquelle il a déjà investi 30 millions de dollars et pour laquelle il cible l’extraction de 2 t d’or par an à l’horizon 2021. Une première dans l’industrie aurifère du pays.

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La fin de son aventure gabonaise de Bakoudou et ses difficultés opérationnelles au Soudan (interdiction d’importer du gasoil) ont affecté le chiffre d’affaires de Managem, qui a chuté de 16 %, à 4,35 milliards de dirhams, et son activité or, qui ne représente plus que 6 % de ses revenus.

À Wadi Gabgaba, au Soudan, le groupe cible l’extraction de 2 tonnes d’or par an à l’horizon 2021. © MANAGEM

À Wadi Gabgaba, au Soudan, le groupe cible l’extraction de 2 tonnes d’or par an à l’horizon 2021. © MANAGEM

Pour autant, insiste le groupe, « lorsque Tri-K sera opérationnel et que le site de Wadi Gabgaba aura atteint son rythme de croisière, l’activité or nous permettra d’augmenter notre chiffre d’affaires de 50 % ». Farid Mezouar, directeur de FL Markets, une plateforme d’analyses boursières et financières, prévoit que « la contribution de l’or dans les revenus atteindra facilement 25 % dans les années à venir ».

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Projets gabonais

En parallèle de ces projets guinéens et soudanais, Managem reste optimiste concernant le maintien de ses activités au Gabon. « Nous sommes actuellement encore en phase d’étude de faisabilité et de discussion avec l’État gabonais sur les permis d’exploitation pour la mine d’or d’Etéké », explique Imad Toumi, qui a rencontré à plusieurs reprises Christian Magnagna lorsque celui-ci était ministre gabonais de l’Équipement, des Infrastructures et des Mines.

Le gisement d’Etéké est d’une taille moyenne, avec une production d’or estimée à 1,5 t annuelle sur une durée de cinq ans. Selon certaines indiscrétions, la convention minière pour le développement de ce projet devrait être accordée au plus tard au début de 2020. « L’exploitation commencera d’ici trois à quatre ans. Il faut encore terminer quelques études et prévoir deux ans de construction », avance le PDG du groupe marocain.

Rien qu’en Afrique subsaharienne, nous avons un programme d’investissement représentant entre 3 et 4 milliards de dirhams pour l’ensemble des métaux.

Managem ne néglige pas pour autant ses autres opérations – dans les métaux non précieux – au sud du Sahara : cuivre et cobalt en RD Congo, et programmes d’explorations en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et en Éthiopie. « Rien qu’en Afrique subsaharienne, nous avons un programme d’investissement représentant entre 3 et 4 milliards de dirhams pour l’ensemble des métaux », assure Imad Toumi.

Mais les ambitions aurifères de Managem vont « enfin déplacer son centre de gravité dans les métaux précieux » selon Farid Mezouar. L’analyste pointe néanmoins certains risques : à la fin de 2018, le ratio dette nette/capitaux propres était en hausse de 13 points, à 49 %. Or ces projets dans l’or seront financés, en grande partie, par la dette. Cela impose aux équipes de l’ingénierie financière de garder un œil sur les différents paramètres en relation directe avec l’endettement.

« La taille médiane de Managem – qui n’est plus une junior, mais pas encore une major dans le secteur minier africain – fait que la compagnie peut gérer des incidents moyens, pas de gros chocs », prévient notre analyste.

Tirer les leçons d’Akka

La ruée vers l’or de Managem rappelle la mauvaise expérience du groupe avec la mine d’Akka, dans la région de l’Anti-Atlas occidental, dans le sud du royaume. En 2014, la filiale minière d’Al Mada a décidé de mettre fin à son activité d’extraction d’or sur ce site à cause de la chute des réserves aurifères. Les observateurs expliquent aussi que la teneur en or des réserves était bien inférieure aux prévisions. Un choc pour le groupe, qui a été contraint de se séparer de 300 employés. Finalement, la mine est toujours ouverte, et Managem y extrait aujourd’hui du cuivre.

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