Adoptée ce 30 juillet à l’Assemblée nationale ivoirienne, la réforme de la Commission électorale indépendante n’en finit pas d’irriter l’opposition et la société civile. La première, qui a tenté de la bloquer, dénonce un texte peu consensuel, tandis que la seconde envisage de saisir le Conseil constitutionnel [l’opposition a entre-temps saisi le Conseil constitutionnel et a été déboutée].
En 2010, la crise postélectorale avait entraîné la mort d’au moins 3 000 personnes. Aussi, à quelques mois de la présidentielle d’octobre 2020, ces tensions autour de la CEI inquiètent.
Inaptes
Au cours des années 2010, les élections organisées par des commissions électorales supposées indépendantes ont connu des violences post-scrutin en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Gabon ou encore au Nigeria. En cause notamment, la forme et le rôle de ces commissions, qui apparaissent de plus en plus comme des instances de légitimation des pouvoirs en place. La composition de ces CEI est elle aussi souvent problématique.
Des instances accusées de concentrer les maux de la vie politique africaine
Les membres qui les composent ont généralement peu ou pas d’expérience en matière électorale, ce qui les rend techniquement inaptes à accomplir leur mission. Les CEI sont aussi accusées de concentrer les maux de la vie politique africaine : des présidents plus préoccupés par le maintien de leurs privilèges que par l’indépendance de leur institution, des opposants qui, une fois sous les ors de la République, ne s’opposent plus vraiment, une société civile aphone…
Créer un corps administratif apolitique
Lorsque ce qui semblait être la solution devient le problème, il faut mettre en œuvre des mesures radicales. Nos États forment des magistrats et des administrateurs pour dire le droit. Pourquoi ne formeraient-ils pas les membres des CEI ?
Il faut créer un corps administratif apolitique formé à la gestion des élections et dont la carrière se déroule exclusivement dans ce champ. On réglerait ainsi à la fois la question de la compétence et celle de l’indépendance de l’arbitre électoral.
Le fonctionnement de cet organe serait supervisé par tous à raison d’un représentant par groupe parlementaire présent à l’Assemblée législative. En passant ainsi d’un système représentatif à un système égalitaire, on limiterait la capacité de la majorité à passer en force sur ces questions cruciales. Enfin, le financement de cette institution se ferait par le biais d’une redevance payée directement par le contribuable et non prise sur le budget de l’État afin d’éviter toute pression financière.
Loin d’être la panacée, ce sont là quelques pistes de réflexions pour contribuer à organiser des élections saines et apaisées, là où les commissions électorales ont montré leurs limites.