Économie

Sénégal : le port de Dakar veut accélérer sa modernisation

La compétitivité de la principale plateforme des échanges commerciaux sénégalais pâtit depuis trop longtemps de la vétusté des infrastructures. Sa nouvelle direction riposte avec un plan stratégique 2019-2023.

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Par - à Dakar
Mis à jour le 7 août 2019 à 15:04

L’émirati DP World, qui exploite le terminal à conteneurs du Port autonome de Dakar depuis 2008, est parvenu à multiplier par deux le volume traité par la plateforme. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Ces derniers mois, la direction du Port autonome de Dakar (PAD) a multiplié ses interventions. En mai, elle a annoncé en grande pompe un résultat net de 6 milliards de F CFA (9 millions d’euros) pour l’exercice 2018. Une performance en dessous des 23 milliards de bénéfices engrangés en 2010, mais qui constitue un léger mieux par rapport aux résultats décevants enregistrés durant une bonne partie de la décennie.

Début juillet, la rénovation du terminal vraquier – construit en 1939 et dévolu au stratégique marché malien – a démarré, cinquante ans après sa dernière mise à niveau, en 1969. D’une durée de deux ans et exécutés par le japonais Towa Corporation, ces travaux tirent profit d’un financement de 21 milliards de F CFA du gouvernement nippon. Le nouveau terminal pourra accueillir des navires de 35 000 tonnes contre 15 000 t aujourd’hui, selon les responsables du projet.

Décongestion

Ce chantier est symbolique de la volonté de l’équipe d’Aboubacar Sédikh Bèye, directeur général du PAD depuis la fin de 2017, de moderniser des installations critiquées pour leur vétusté, leur efficacité opérationnelle limitée et souffrant d’une congestion chronique. La direction cite une étude commanditée en 2018 selon laquelle le port enregistre quotidiennement 1 874 entrées de camions (avec des pics à 2 380 entrées), bien plus que ses capacités sont censées le permettre.

Ainsi, la manutention d’un navire de 40 000 t peut prendre une vingtaine de jours, « contre cinq dans les ports modernes », reconnaît Aboubacar Sédikh Bèye. L’un des principaux industriels du pays évalue à 1,5 million de dollars les surestaries (indemnités de retard dues aux propriétaires des navires affrétés) parce que sa cargaison de 40 000 t de charbon destinée à l’alimentation de sa centrale électrique est restée en rade pendant de nombreuses semaines.

Résultat : ce port, idéalement situé au confluent des routes maritimes internationales, peine à tenir son rang face au dynamisme de ses concurrents du littoral ouest-africain, tels que Lagos, Abidjan, Tema, mais aussi Cotonou et Lomé. Or, l’infrastructure qui traite 18 millions de t de marchandises par an est le poumon économique du pays et réceptionne plus de 90 % des échanges commerciaux internationaux.

Si nous résolvons l’équation de la congestion, le Sénégal pourrait enregistrer trois points de croissance supplémentaires

« Si nous résolvons l’équation de la congestion, le Sénégal pourrait enregistrer trois points de croissance supplémentaires », prédit Aboubacar Sédikh Bèye. Pour y parvenir, le manager a initié, dès son arrivée aux affaires, un « Plan stratégique de développement 2019-2023 ». Lequel prévoit d’importants investissements dans les infrastructures : réhabilitation des voiries routière et ferroviaire internes, digitalisation des formalités portuaires, création d’un guichet unique électronique, désencombrement, création de nouveaux ports secs à Pout (à 45 km de Dakar).

Désenclavement du Mali et « Triangle de la prospérité »

Le projet de réhabilitation du réseau ferroviaire dans la zone sud se développe en partenariat avec l’Agence nationale chargée de la promotion de l’investissement et des grands travaux (Apix). En revanche, la modernisation du corridor Dakar-Bamako est à la traîne en dépit des nombreuses annonces faites par les gouvernements des deux pays, pour lesquels sa réhabilitation s’avère stratégique. Le PAD est en effet essentiel dans le désenclavement de l’hinterland malien. À la mi-juillet, Ibrahima Abdoul Ly, le ministre malien des Transports et de la Mobilité urbaine, rappelait que, l’an dernier, 3,8 millions de t de marchandises à destination ou en provenance de son pays ont transité par Dakar (65 % du total).

La capitale sénégalaise, qui est en concurrence avec Abidjan, Lomé et Cotonou prévoit, dans le cadre du plan stratégique, d’accroître ses parts à plus de 80 % du trafic malien. Outre l’importance de ce flux pour l’économie locale, le Sénégal a grandement intérêt à relancer le dossier puisqu’il consacre une cinquantaine de milliards de F CFA par an à la réhabilitation des routes empruntées chaque jour par près d’un millier de camions de marchandises à destination de Bamako. Sans compter les autres avantages du transport de marchandises par voie ferroviaire (réduction de la pollution, de l’encombrement, du temps de trajet, etc.).

Ce sera un changement radical de paradigme, le port sera le moteur de l’émergence, il faut l’adosser à une zone économique spéciale

L’autre chantier majeur devant contribuer à la reconfiguration du rôle du PAD demeure le futur port multifonctionnel prévu entre Ndayane et Popenguine, à 50 km au sud-est de la capitale. Les négociations avec le partenaire, l’opérateur portuaire émirati DP World dont la filiale sénégalaise est concessionnaire depuis janvier 2008 (pour vingt-cinq ans) du terminal à conteneurs (môle 8) du port de Dakar, sont aujourd’hui bouclées à en croire Aboubacar Sédikh Bèye.

Les travaux qui coûteront, au total, environ 3 milliards de dollars, devront débuter avant la fin de l’année. « Ce sera un changement radical de paradigme, le port sera le moteur de l’émergence, il faut l’adosser à une zone économique spéciale », explique le manager. De fait, le Port du futur sera construit dans un périmètre compris entre la Zone économique spéciale intégrée du nouveau pôle urbain de Diamniadio et l’aéroport international Blaise-Diagne de Diass. Zone que les autorités se complaisent à nommer le « Triangle de la prospérité » (Dakar-Thiès-Diamniadio-Mbour), mais dont les perspectives continuent, pour l’instant, d’être assombries par les difficultés quotidiennes du port de Dakar.