Ils avaient réussi à constituer une opposition crédible au sein de l’Assemblée des représentants du peuple. Mais aujourd’hui, rien ne va plus entre Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire (FP), et Mongi Rahoui, député de ce groupe parlementaire.
La scission en deux franges de cette coalition de neuf partis de gauche était, il est vrai, dans l’air. À la fin de 2018, un sondage confidentiel révélait que la figure de leader endossée par Hamma Hammami n’était plus fédératrice.
Le dernier baromètre politique de Sigma conseil n’a fait que confirmer cette perte de vitesse en lui attribuant 1,8 % d’intentions de vote à la prochaine présidentielle.
Vent de dégagisme sur Tunis
À 67 ans, les envolées de ce militant des droits de l’homme et farouche opposant au régime Ben Ali ne font plus recette. Pour autant, il ne compte pas lâcher prise, quitte à causer l’éclatement du FP, seul représentant de la gauche à l’Assemblée. Depuis l’assassinat en 2013 de Chokri Belaïd, charismatique fondateur du Watad, parti majeur de la coalition, l’ancien secrétaire général du Parti des travailleurs (PT) avait les coudées franches au sein du FP, sans pour autant briguer de mandat depuis le scrutin de 2014.
Avec la révolution de 2011 et la transition démocratique, Hamma, comme l’appellent les Tunisiens, a cependant perdu l’un de ses chevaux de bataille, celui des droits humains, et n’a pas su capitaliser sur les problématiques d’un pays en mutation.
Hamma Hammami subit la même marginalisation que d’autres dirigeants de partis qualifiés d’historiques
En prônant toujours le même discours vieillissant à connotation communiste, Hamma Hammami, régulièrement accusé de porter un projet centré sur sa personne, n’a pas pris en compte le besoin d’alternance exprimé par une large frange du FP, et les Tunisiens en général. Il subit ainsi la même marginalisation que d’autres dirigeants de partis qualifiés d’historiques, mais désormais mis à l’écart de la scène politique.
Nouveau leadership
Accaparé par la préparation de la présidentielle, Hamma Hammami n’a pas vu poindre un nouveau leadership incarné par Mongi Rahoui, originaire comme lui du nord-ouest de la Tunisie. Élu à l’Assemblée en 2011 et en 2014, celui-ci a été à l’origine de l’inscription de la liberté de conscience dans la Constitution. Il représente, à 55 ans, une nouvelle génération au sein de la gauche.
Expert en ingénierie financière, cet ancien syndicaliste offre l’image d’un politique en prise avec son temps, dont les interventions fermes contre l’exécutif, comme celles sur la propension du gouvernement à recourir aux emprunts extérieurs, semblent convaincre les militants de son parti.
Mongi Rahoui réclame que les revendications portées par la révolution, notamment la redistribution des richesses, soient prises en compte
Sans être un rebelle, il demeure droit dans ses bottes et réclame que les revendications portées par la révolution, notamment la redistribution des richesses, soient prises en compte. Fort de cette dynamique, il devient la figure émergente que le Watad, dont il est issu, voudrait mettre sur les rangs de la présidentielle.
Un FP divisé
Sans surprise, ce projet a mis le feu aux poudres avec le clan de Hamma Hammami. Cette tension a été encore exacerbée par les récentes révélations sur le fait que le porte-parole du FP avait enregistré à la fin de 2013 l’appellation et le logo de la coalition en son nom propre. Une manœuvre qui a fait long feu puisqu’entre-temps un parti a été fondé sous ce nom, qui servira de parapluie aux dissidents du FP.
« Ils représentent 90 % des membres de l’ancien Front. Cette division augmentera considérablement les chances du parti pour les prochaines échéances électorales », analyse Mongi Rahoui. Craignant d’être mis en minorité au sein de la gauche, Hamma Hammami dénonce, lui, un détournement juridique et politique.