Depuis que la police s’est prononcée en faveur de sa mise en examen, le 2 décembre 2018, Netanyahou joue la montre. Le combat pour sa survie ressemble à une longue partie d’échecs où il doit calculer, combiner et anticiper en permanence.
Mais même cerné de toute part, le « roi Bibi » ne se couche pas et parvient toujours à garder un coup d’avance. Comme lorsqu’il provoqua des élections pour mieux négocier le report d’une audition décisive face à la justice. Puis, une fois victorieux, quand il multiplia les gages à ses alliés politiques, même les plus extrémistes, afin d’obtenir leur soutien à une loi d’immunité.
Ultime confrontation
Fin stratège, Netanyahou avait sans doute planifié son triomphe lors du scrutin du 9 avril dernier. Mais il n’avait pas imaginé être trahi par son ancien ministre de la Défense et colistier, Avigdor Lieberman, qui l’a privé de majorité. Le chef du Likoud a donc privilégié la dissolution de la Knesset, accentuant l’impression d’une fuite en avant.
« Tout citoyen doit se souvenir qui a tenté de saper la démocratie en Israël et garder en mémoire que, parmi les membres du Likoud, personne n’a osé stopper la folie dans laquelle nous entraîne Netanyahou », rappelle l’ancien Premier ministre Ehud Barak, qui, à 77 ans, signe un improbable retour en politique.
« Bibi » n’est plus maître de son destin. Le timing des nouvelles élections, programmées le 17 septembre, l’empêche d’aborder sereinement son ultime confrontation avec le procureur général, Avishaï Mendelblit, les 2 et 3 octobre prochains. S’il n’est pas une sixième fois réélu et se présente à son audition sans gouvernement, il apparaîtra plus vulnérable que jamais.
Si Netanyahou se préoccupait de son pays, il irait s’occuper de ses ennuis judiciaires et ne nous imposerait pas une année de paralysie
Preuve que cette situation le tourmente, le Premier ministre manquera l’Assemblée générale des Nations unies, fin septembre, alors qu’il est un habitué de cette grand-messe diplomatique durant laquelle il assène de longs réquisitoires contre l’Iran.
« Si Netanyahou était un homme d’État et se préoccupait avant toute chose de son pays, et non de ses intérêts personnels, il quitterait son siège, irait s’occuper de ses ennuis judiciaires et ne nous imposerait pas une année de paralysie », se désole son rival centriste, Benny Gantz.
Dérive à la Erdogan
Mais l’indétrônable « Bibi » ne saurait capituler. À l’aube de ses 70 ans, le chef de la droite est enivré par l’exercice du pouvoir. Son aura reste solidement ancrée, bien au-delà de sa base électorale et de l’État hébreu.
Sa longévité politique l’a convaincu qu’il était indispensable : treize années cumulées comme Premier ministre – plus que David Ben Gourion, père fondateur d’Israël – , vingt-six comme député, et des postes de ministre à profusion, de l’Économie aux Affaires étrangères, qui lui ont permis de tisser sa toile dans le pays.
Ces dernières années, Netanyahou est parvenu à éliminer ceux qui l’ont contesté au Likoud. Pour l’opposition, sa main de fer et ses méthodes sont le signe d’une dérive à la Erdogan.
« En prêtant attention à son parcours, il est facile de comprendre ce qui lui arrive aujourd’hui, explique Yossi Levy, son ancien conseiller en communication. Netanyahou est un patriote et un homme de valeurs, mais sa survie et la poursuite de son règne sont pour lui sacrées. Sa corruption a sapé toutes les fondations sur lesquelles a été bâti Israël. Son plan est d’affaiblir les garde-fous de notre démocratie, des médias à la justice. Il n’a aucune ligne jaune. »
Trois ans de procédure
• Décembre 2016
Plusieurs enquêtes sont simultanément ouvertes contre Benyamin Netanyahou.
• Janvier 2017
Premières suspicions avérées dans l’affaire « cigares et champagne ».
• Décembre 2018
La police recommande l’inculpation de Netanyahou.
• Février 2019
La Cour suprême rejette une requête du Likoud pour l’abandon des charges contre Netanyahou.
• Décembre 2019
Décision finale attendue du procureur général.