Il vient d’entrer dans l’âge que l’on qualifie d’« adulte ». Celui où l’on s’apprête à conquérir le monde en se sentant invulnérable. Celui aussi où l’on cultive des amitiés polymorphes, où l’on part au contact de ses contemporains depuis son voisinage jusqu’à l’autre bout du monde.
Le 4 juillet, le « nouveau Rwanda » a soufflé sa vingt-cinquième bougie. Si le 7 avril commémore chaque année la date où le Pays des mille collines a plongé dans les ténèbres, en 1994, le Liberation Day marque, à l’inverse, celui de sa résurrection, quelque cent jours plus tard : le premier jour de son année zéro.
Dans la cour des grands
Le Rwanda post-génocide fut d’abord un nourrisson orphelin et traumatisé, né sur un charnier. Enfant, il dut lutter pour sa survie, privé des services de base. À l’adolescence, son sort s’était déjà amélioré, et dans le collège des nations ses bulletins scolaires commençaient à provoquer l’admiration de certains partenaires ou à faire pâlir de jalousie quelques concurrents.
À 20 ans, par la force de sa volonté et son sens élevé de la dignité (l’« agaciro ») et du dépassement de soi, le nouveau Rwanda abandonnait le statut de pays meurtri pour entrer dans la cour des grands. Au risque d’y prendre des coups, tant l’atypique modèle rwandais provoque aussi critiques et incompréhensions.
À ceux qui invoquent un miracle, son inamovible président, Paul Kagame, répond invariablement que cet exemple de résilience à marche forcée est avant tout l’œuvre d’un peuple poussé vers le gouffre par un siècle de colonisation, qui a su renouer, en conscience, avec l’identité millénaire de la nation qu’il constitua dès le Xe siècle.