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Franc CFA : ce qui doit changer
Le Gicam a tiré la sonnette d’alarme, à la fin de mai. L’organisation patronale camerounaise déplorait que la majorité de ses membres aient le plus grand mal à se procurer des devises pour financer leurs opérations internationales. À Douala, devant un hôtel du centre commercial, Calvin, un opérateur de change informel, confirme ce début de pénurie. À l’en croire, la situation devient carrément préoccupante.
« L’euro, explique-t-il, s’échange avec une majoration comprise entre 15 et 20 F CFA (entre 2 et 3 centimes d’euro) par rapport au cours officiel, au lieu de 4-5 F CFA habituellement. » Georges, l’un de ses confrères, renchérit : « Lorsque les banques sont en manque de liquidités, cela a des répercussions sur le marché noir. Et la récente rumeur d’une dévaluation du CFA incite les détenteurs de devises à les conserver. »
La BEAC vigilante
Très demandé, le franc CFA d’Afrique de l’Ouest a lui aussi tendance à se faire rare. Et le franc CFA d’Afrique centrale en subit les conséquences. « Sur le marché parallèle, on observe une décote de 15 % à 20 % du second par rapport au premier », note un banquier. Ce décrochage n’inquiète pas outre mesure la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), où l’on souligne que, « historiquement, les ressortissants de notre région achètent davantage de biens en Afrique de l’Ouest que l’inverse ». Et que « nombre d’opérateurs de notre zone effectuent des dépôts dans la région voisine ».
En dépit d’une reconstitution progressive des réserves, conséquence de l’adoption d’une réglementation plus rigoureuse (avec augmentation des frais de change) et de la remise à flot de quatre pays de la zone dans le cadre d’un programme avec le FMI, les récriminations sur la rareté des devises persistent, malgré tous les apaisements.
« Nos réserves sont suffisantes pour répondre aux demandes des banques et des importateurs. Mais quand certaines entreprises tentent de transférer des sommes plus de trois supérieures à leur chiffre d’affaires, il y a un problème. Alors, nous sommes plus vigilants », explique-t-on à Yaoundé, au siège de la BEAC.
La région étant fortement importatrice, une dévaluation entraînerait une hausse généralisée des prix
« Rien ne justifie une dévaluation »
En 2014, une crise provoquée par la chute des cours du pétrole a frappé la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Depuis, la monnaie de cette zone fait l’objet de spéculation. En décembre 2016, une dévaluation a été évitée de justesse : les réserves de devises étaient tombées à 4,3 milliards de dollars, contre 18,2 milliards en 2013. Depuis, la rumeur d’une dépréciation de la monnaie persiste, alimentée, selon la BEAC, par la diaspora et par des hommes d’affaires qui ont gagné des sommes folles en plaçant des fonds à l’étranger.
Fin 2017, s’il faut en croire la Banque des règlements internationaux (BRI), plus de 5 milliards d’euros appartenant à des résidents de la Cemac dormaient dans des comptes à l’étranger.
« Rien ne justifie une dévaluation, le cadre macroéconomique étant redevenu viable, estime notre interlocuteur. D’autant que, la région étant fortement importatrice, une dévaluation entraînerait une hausse généralisée des prix et provoquerait de sérieux problèmes politiques et sociaux. »