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Roch Marc Christian Kaboré. © Vincent Fournier pour JA

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Burkina Faso : dix huit mois pour convaincre

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[Édito] Burkina Faso : les mille et un défis de Roch Marc Christian Kaboré

Alors que la prochaine présidentielle, prévue à la fin de 2020, arrive à grands pas au Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré va devoir convaincre une population dont les attentes demeurent inchangées depuis de nombreuses années.

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Mis à jour le 12 novembre 2019 à 16:18
Marwane Ben Yahmed

Par Marwane Ben Yahmed

Directeur de publication de Jeune Afrique.

Roch Marc Christian Kaboré. © Vincent Fournier pour JA

Arrivé au pouvoir en décembre 2015, Roch Marc Christian Kaboré, 62 ans, n’a guère eu de répit : à la mi-janvier 2016, premier attentat dans la capitale. Depuis, le pays est clairement devenu la cible privilégiée des terroristes. Et, évidemment, l’ordre des priorités de son mandat a radicalement changé. Mais les attentes exprimées par les Burkinabè lors de la révolution puis au cours de la transition demeurent les mêmes, et l’impatience grandit.

Si les résultats économiques sont encourageants, a fortiori, dans un tel contexte, nombreux sont les Burkinabè qui attendent plus du gouvernement de Christophe Joseph Marie Dabiré, nommé à la fin de janvier. C’est peu dire que, après une révolution, une transition, et une élection présidentielle censée clore le chapitre de l’instabilité, les attentes de la population ne se sont guère calmées. Les grèves à répétition et l’irascibilité des syndicats l’attestent. Kaboré en est conscient, mais souhaite que les Burkinabè sachent raison garder. « Nous avons pris un certain nombre d’engagements et nous sommes sur tous les fronts, y compris sécuritaire. Mais on ne peut exiger que tout ce qui n’a pas été réglé depuis l’indépendance le soit en seulement deux ou trois ans », nous disait-il il y a quelques mois.


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Un « président diesel »

La prochaine présidentielle, prévue à la fin de 2020, arrive cependant à grands pas. Les principaux partis d’opposition ont beau sembler affaiblis par des dissensions internes, ils ne comptent pas se contenter d’un rôle de faire-valoir. Une partie de la campagne se jouera, à cette occasion, sur le bilan du président, en tout cas sur la perception qu’on en a. Comme sur celle de la personnalité du chef de l’État, parfois décrit comme un « président diesel ».

Roch Marc Christian Kaboré, le 1er décembre 2015, à Ougadougou, au Burkina. © Theo Renaut/AP/SIPA

Roch Marc Christian Kaboré, le 1er décembre 2015, à Ougadougou, au Burkina. © Theo Renaut/AP/SIPA

Je n’ai aucun problème à faire preuve de fermeté, mais il faut le faire à bon escient et éviter les bagarres inutiles

Ce surnom, en vogue à Ouaga, Kaboré fait mine de s’en amuser. Sans oublier de rétorquer, en citant La Fontaine : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point. » « Mon travail, nous a-t-il expliqué, n’est pas de verser dans le populisme, mais de résoudre les vrais problèmes, de manière structurelle. La précipitation n’apporte rien. Certains, et c’est typiquement burkinabè, aimeraient que je tape du poing sur la table, voire que je tape tout court. Par la suite, ils me reprocheraient de taper trop fort ou pas de la bonne manière. Je n’ai aucun problème à faire preuve de fermeté, mais il faut le faire à bon escient et éviter les bagarres inutiles. Je reste persuadé qu’il faut convaincre les gens plutôt que de leur imposer des oukases. »

Profil de président « normal »

Au Burkina, probablement l’un des pays d’Afrique francophone où la culture et le débat politique sont le mieux ancrés, Roch Kaboré a occupé les plus hautes fonctions, y compris les postes de Premier ministre (1994-1996) et de président de l’Assemblée nationale (2002-2012). Il est aujourd’hui le chef en ce palais de Kosyam, occupé pendant vingt-sept ans par Blaise Compaoré. C’est lui qui assume les plus hautes responsabilités : fixer le cap, réformer, répondre aux mille et une urgences.


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Il semble ne pas avoir fondamentalement changé au contact du pouvoir. Ceux qui le connaissent depuis longtemps le décrivent encore comme cet homme de glaise sur lequel peu de choses ont prise, pondéré et chantre du consensus – c’est d’ailleurs ce profil de président « normal » qui avait séduit et rassuré les Burkinabè fin 2015. Peu probable, donc, qu’il se métamorphose à quelques encablures du scrutin. L’opinion, elle, varie. À lui, donc, de convaincre ses concitoyens qu’il sera toujours l’homme de la situation en 2020. Résultats à l’appui.