En août 2017, Angélique Kidjo nous parlait déjà de sa fascination pour Celia Cruz. La star franco-béninoise, qui s’apprêtait à donner un concert hommage à la diva cubaine à la Philharmonie de Paris, nous racontait son émoi lorsque, adolescente, elle avait assisté à l’un de ses spectacles à Cotonou. L’énergie de cette icône de la salsa, son engagement anticastriste, mais aussi « l’africanité » de l’idole l’ont durablement inspirée.
« Celia utilisait sa voix comme un instrument de musique, un instrument de percussion, comme chez moi au Bénin », expliquait-elle. Les deux chanteuses ont même une fois entremêlé leurs voix sur scène, en 1997 : Kidjo, invitée au dernier moment à interpréter la chanson « Quimbara » ne connaissait pas les paroles et improvise dans un espagnol connu d’elle seule !
Avec cet album, son seizième, sobrement intitulé Celia, on pourrait craindre d’entendre une Angélique Kidjo vampirisée par son idole, et tentant de l’imiter. Ce serait mal connaître cette grande artiste à la personnalité et au caractère bien trempés, déjà couronnée par trois Grammy Awards. On retrouve bien, au chant, l’énergie et la puissance de « la reina de todos los ritmos ». Kidjo reprend même à son compte sa célèbre interjection et signature scénique « Azúcar ! » Mais ce dix-titres est surtout l’occasion de ramener la métisse caribéenne et la salsa cubaine à leurs racines africaines.
>>> À LIRE – Angélique Kidjo : « Les femmes sont la colonne vertébrale de l’Afrique »
La tradition musicale afro est évidemment déjà perceptible dans la salsa, créée par des esclaves issus principalement des régions côtières de l’ouest du continent : chants en forme de question-réponse, polyrythmies, gammes pentatoniques… Mais, appelé en soutien sur ce projet par Angélique Kidjo, l’arrangeur martiniquais David Donatien a teinté les compositions de nuances musicales africaines beaucoup plus contemporaines.
Dessiner les contours de l’Afrique
Sur la reprise du titre « Quimbara », par exemple, on perçoit des riffs de guitare tournoyants façon ndombolo, sur celle de « Toro mata », ce sont les saxophones cinglants et les percussions de l’afrobeat de Fela qui surgissent… Tony Allen, le batteur historique du Nigérian, a d’ailleurs été convié sur l’album. Apparaissent également la chanteuse et rappeuse américaine Meshell Ndegeocello ainsi que le quartet de jazz britannique Sons of Kemet.
Omar Victor Diop, photographe sénégalais du moment, signe quant à lui la pochette. On retrouve dans la tenue d’Angélique Kidjo toute l’exubérance des tenues scéniques de Celia Cruz… mais les fleurs autour de la Béninoise dessinent les contours de l’Afrique. On ne peut pas mieux résumer le projet du disque.