Présidentielle au Sénégal : « Les grands partis sont en train de mourir »

Politologue, spécialiste du Sénégal et maître de conférences à Sciences-Po Bordeaux, Étienne Smith livre son analyse sur la nouvelle donne politique au Sénégal, à quelques jours de la présidentielle.

Un bureau de vote à Fatick, au Sénégal, en 2012 . © Gabriela Barnuevo/AP/SIPA

Un bureau de vote à Fatick, au Sénégal, en 2012 . © Gabriela Barnuevo/AP/SIPA

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Publié le 10 février 2019 Lecture : 2 minutes.

Dans un bureau de vote à Fatick, lors du premier tour du scrutin pour la présidentielle 2019 au Sénégal. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique
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Présidentielle au Sénégal : un « coup KO » réussi pour Macky Sall

La Commission nationale de recensement des votes a proclamé le jeudi 28 février Macky Sall vainqueur au premier tour de la présidentielle. Le président élu a aussitôt annoncé « tendre la main » à l’opposition, dont ses quatre adversaires avaient renoncé à contester les résultats devant le Conseil constitutionnel.

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Jeune Afrique : Jamais un candidat non issu d’un grand parti n’a percé lors d’une présidentielle au Sénégal. Ousmane Sonko et El Hadji Issa Sall ont-ils une chance de faire mentir l’adage ?

Étienne Smith : C’est possible. Car au-delà de leurs personnes on assiste à une crise terminale du système des partis traditionnels, qui n’ont pas su renouveler leur leadership et sont en train d’en mourir.

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Le cas d’Ousmane Sonko révèle qu’il n’est plus besoin d’être issu d’un grand parti pour faire une percée. Reste à savoir si l’importance acquise par ce novice en politique durant la campagne se concrétisera dans les urnes.

En revanche, le Parti de l’unité et du rassemblement (PUR), mené par Issa Sall, s’inscrit dans une tradition déjà existante : l’affiliation d’un parti à un marabout. Par le passé, de tels candidats ont toujours obtenu des scores faibles. Mais cette formation, à la fois discrète et bien organisée, pourrait changer la donne.

Au sein de l’opposition, Issa Sall a obtenu le plus grand nombre de parrainages, et le PUR est arrivé quatrième aux législatives de 2017.

Comment expliquer le phénomène Sonko ?

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Sonko incarne à la fois un renouvellement générationnel et un positionnement hors système. C’est aussi un candidat « made in Sénégal », qui revendique le fait d’y avoir fait ses études et qui promeut une forme de patriotisme économique. Plus généralement, il affiche une volonté de renouveler les pratiques politiques et il ringardise les candidats plus âgés, notamment par sa façon d’utiliser les réseaux sociaux.

Sonko a incontestablement une audience dans les zones urbaines

Quelles sont ses faiblesses ?

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Son discours est de nature à faire frémir une partie de l’establishment, notamment quand il évoque une sortie du franc CFA. Et sa jeunesse, est un atout réversible : son inexpérience peut être vue comme un handicap. Sonko a incontestablement une audience dans les zones urbaines, mais tout dépendra de sa capacité à mobiliser aussi l’électorat rural.

Idrissa Seck, qu’on disait en perte de vitesse, semble opérer un retour en force…

C’est un habile politicien. Et il a une capacité à négocier avec le reste de la classe politique. De telles négociations peuvent renforcer l’impression de flou sur son positionnement, ce qui l’a desservi par le passé. Mais dans l’histoire politique sénégalaise, la capacité à conclure des « deals » a toujours été décisive.

>>> À LIRE – Présidentielle au Sénégal : Khalifa Sall se rallie à Idrissa Seck

Peut-il atteindre le second tour ?

En 2007, lorsqu’Idy a réalisé son meilleur score (15 %), il avait en partie profité d’un vote tidjane et moustarchidine aujourd’hui essentiellement capté par le PUR. Et il n’est plus aussi puissant qu’auparavant dans son fief de Thiès, où les représentants de Macky Sall ont gagné du terrain. Son principal défi consiste donc à démontrer qu’il peut conquérir une audience nationale.

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