Politique

Présidentielle en RDC : la nuit où tout a basculé pour Félix Tshisekedi

La victoire de Félix Tshisekedi n’avait pas encore été annoncée que ses partisans laissaient exploser leur joie. Retour sur les ultimes heures d’incertitude.

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Par - envoyé spécial à Kinshasa
Mis à jour le 12 novembre 2019 à 17:01

Félix Tshisekedi avec son épouse, Denise Nyakeru, le soir du 9 janvier à l’annonce des résultats de la présidentielle, devant Vital Kamerhe et sa femme Amida. © Trésor Kibangula/JA

Il n’est pas encore 23 heures, ce 9 janvier, lorsque la commune de Limete s’enflamme. Pétards, cris de joie, tambours de casseroles et chants hostiles au président Kabila… Les résultats provisoires du scrutin du 30 décembre ne seront proclamés que quatre heures plus tard, mais, ici, dans le fief de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), à Kinshasa, cela ne fait déjà plus aucun doute : Félix Tshisekedi est l’élu.


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Ses proches, arrivés à son domicile sous escorte policière, sont accueillis par des militants surexcités. Certains se roulent par terre devant les véhicules. Le leader de l’UDPS, lui, se met en route vers la demeure de son défunt père, l’opposant historique Étienne Tshisekedi. C’est là qu’il a prévu de suivre en direct à la télévision l’annonce des résultats – et, il veut y croire, de sa victoire : depuis la veille, plusieurs ténors et stratèges du régime concèdent à demi-mot que le dauphin de Joseph Kabila n’a finalement pas fait de bons scores, et il sait qu’ils ne veulent pas entendre parler de Martin Fayulu, l’autre poids lourd de l’opposition. « Son discours de justicier qui veut couper la tête à tout le monde ne passe pas », nous avait confirmé, quelques heures plus tôt, un haut responsable de l’armée.

Des supporters de Félix Tshisekedi dans les rues de Kinshasa pour célébrer la victoire de leur candidat. © Jerome Delay/AP/SIPA

Des supporters de Félix Tshisekedi dans les rues de Kinshasa pour célébrer la victoire de leur candidat. © Jerome Delay/AP/SIPA

Impatience

Dans son bureau étroit, le fils du Sphinx de Limete s’impatiente, mais les nombreux appels de félicitations qui atteignent l’un ou l’autre de ses smartphones le rassurent. Entouré de son directeur de campagne, Vital Kamerhe, de leurs épouses respectives, Denise Nyakeru et Amida, ainsi que de certains collaborateurs incontournables (son assistant, Michée Mulumba, Vidiye Tshimanga, François Muamba et Raph Kabengele), Félix enchaîne les plaisanteries. Chemise blanche boutonnée jusqu’au cou, il s’échine à changer ses cartes SIM lorsqu’un commentateur de la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC) fait l’éloge de Joseph Kabila, proclamé « tata monkozi ya ekolo » – « père de la nation ». « Te rends-tu compte que bientôt, c’est toi que l’on va appeler ainsi ? » s’amuse Vital Kamerhe.

Minuit est passé quand les membres du bureau de la Ceni commencent à égrener les résultats des provinciales. Des regroupements politiques, créés par la coalition au pouvoir, raflent la mise. Félix Tshisekedi râle : « Ils ont été malins en multipliant les petits partis ! » Kamerhe, qui a présidé l’Assemblée nationale, lui promet qu’il saura ramener ces élus dans le giron présidentiel. Tshisekedi esquisse un sourire, mais mesure déjà l’ampleur de la tâche. S’il est élu, il n’aura pas le choix et devra composer avec le pouvoir sortant.

On l’a fait ! »

Soudain, le verdict tombe…

Enfin, Corneille Nangaa prend la parole pour annoncer les résultats. Vital Kamerhe, qui devine le moment historique, joue les chefs d’orchestre. Il prie la femme de Félix Tshisekedi de se rapprocher de son mari, son épouse et lui-même les rejoignent, tels des parrains. C’est ce tableau qu’il veut voir immortalisé.

Papa, je l’ai fait pour toi

Le verdict tombe, et c’est l’explosion de joie : « On l’a fait ! » s’écrie François Muamba, ne parvenant pas à retenir ses larmes. Lydie Omanga, l’omniprésente conseillère en communication de Kamerhe, lui glisse à l’oreille : « You did it again! »… Comme en 2006, lorsqu’il était directeur de campagne de Kabila, Kamerhe a contribué à porter son allié au sommet de l’État.

Pour Félix, « le travail ne fait que commencer ». Il va maintenant falloir « reconstruire la RD Congo ». Sa première pensée est pour son père, « le vrai artisan » de son ascension. Devant un portrait du défunt posé sur la chaise où celui-ci aimait écouter la radio, Félix murmure : « Papa, je l’ai fait pour toi. » Et promet à l’assistance le retour rapide du corps au pays.