Addis-Abeba, 16 octobre. Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, vient d’annoncer la nomination d’un nouveau gouvernement, composé à égalité d’hommes et de femmes : dix portefeuilles sur vingt ont été attribués à ces dernières, dont ceux, évidemment stratégiques, de la Défense et de la Paix (qui chapeaute la police fédérale et les services de renseignements). Une semaine plus tard, le Parlement de ce même pays a, à l’unanimité, porté la diplomate Sahle-Work Zewde à la tête de l’État, tandis que, dans la foulée, Meaza Ashenafi était nommée à la présidence de la Cour suprême.
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N’en jetez plus ! Ces décisions politiques fortes relèvent évidemment de la « discrimination positive », d’ailleurs également pratiquée au Rwanda. Le pays de Paul Kagame, qui vient lui aussi de mettre en place un gouvernement paritaire, comptait déjà un pourcentage record de femmes au sein de son Parlement (61,3 %).
Une seule solution, la discrimination ?
Contrairement aux idées reçues, l’Afrique n’est pas le plus mauvais élève de la planète en ce domaine, en dépit de notables disparités d’un pays à l’autre. Les parlementaires mozambicaines, burundaises, ougandaises, zimbabwéennes, tunisiennes, camerounaises, angolaises, soudanaises et sénégalaises n’ont, par exemple, rien à envier à leurs collègues occidentales.
Mais comment accélérer le mouvement ? Forcément, par la contrainte législative et, hélas, le fait du prince
Par rapport au début des années 2000, le progrès est spectaculaire, mais ne nous berçons pas d’illusions : le statut des femmes dans nos sociétés ne progresse pas au même rythme. Rares sont, en outre, celles qui atteignent les plus hauts sommets de la politique : présidence, primature ou direction d’un parti. On ne se débarrasse pas aussi facilement des vieux réflexes sexistes. Gageons que les mentalités évolueront avec le temps.
Mais comment accélérer le mouvement ? Forcément, par la contrainte législative et, hélas, le fait du prince. Il faut forcer les choses, bouleverser l’ordre établi. Partout où des progrès ont eu lieu, c’est grâce à une politique systématique de discrimination positive, n’en déplaise à ceux que ces termes hérissent et qui dénoncent les errements occasionnels de cette pratique, comme le fait de nommer ou de promouvoir une personne insuffisamment compétente en raison de son sexe ou de ses origines.
L’autre moitié du continent
En politique, les femmes feront-elles l’affaire mieux que les hommes ? À quoi ressemblerait la politique avec davantage de femmes au pouvoir ? Selon l’Espagnole Bibiana Aído, qui fut ministre de l’Égalité à 31 ans et sait donc de quoi elle parle, « les femmes soulèvent des questions et des thèmes différents ; elles élargissent le débat, sont plus sensibles aux événements, plus prévoyantes, plus pacifiques, plus patientes et plus douces que les hommes. Elles sont aussi plus honnêtes, moins susceptibles de prendre des risques inconsidérés, de consacrer les ressources de l’État à des achats d’armes, d’attiser ou d’entretenir la haine et la violence ». La question des différences supposées entre les sexes étant par nature délicate, mieux vaut que cette analyse vienne d’une femme que de l’auteur de ces lignes !
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Le meilleur argument est ailleurs, et il est imparable. La moitié, au moins, de la population africaine étant constituée de femmes, il est indispensable que ladite moitié soit mieux représentée dans les instances dirigeantes, qu’elle ait la possibilité de faire ses preuves, d’apporter son écot au développement du continent… Partout dans le monde, l’exigence de sociétés véritablement équitables n’est-elle pas chaque jour plus forte ? Avec la question du leadership et celle de la place accordée aux jeunes, c’est la condition sine qua non pour que l’Afrique marche enfin sur ses deux jambes !