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Tunisie : 2019, l’année de tous les enjeux
Inscrite au Plan de développement 2016-2020, la réduction de la facture énergétique est une priorité pour le pays. Il y a même urgence : les besoins augmentent sans que le pays ait assuré son autosuffisance en la matière. Car il doit non seulement faire face aux changements climatiques, mais aussi satisfaire la demande de son économie et celle des particuliers, parfois erratique.
Pendant l’été 2017, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) a ainsi enregistré un pic de consommation de 4 025 MW, au lieu des 3 900 MW prévus. Une alerte qui a poussé le pays à se libérer de sa dépendance au gaz naturel et à sortir de son isolement.
Après avoir fait appel à l’Algérie pour obtenir les kilowattheures nécessaires en cas de délestage en période de pointe, la Tunisie étudie son interconnexion avec les réseaux électriques européens, et principalement avec celui de l’Italie.
Diversification des ressources énergétiques
En attendant, l’État, qui subventionne l’énergie à hauteur de 62 %, doit aussi faire ses comptes. Fin août 2018, la facture affichait 4,235 milliards de dinars (1,317 milliard d’euros), bien au-delà des 2,400 milliards prévus pour l’année par la loi de finances 2018. Un différentiel qu’il doit assumer, alors qu’il opère un ajustement graduel du prix des hydrocarbures conforme aux recommandations du FMI.
Le déficit sévère des finances publiques, la dévaluation du dinar et le prix du brut lui imposent de diversifier ses ressources en énergie à travers des solutions alternatives pour assurer sa sécurité énergétique.
La Tunisie a un taux d’ensoleillement moyen de plus de 3 000 heures par an et un potentiel éolien de 8 GW sur 1 600 km² exploitables
Avant de pallier également sa faible capacité de stockage, la Tunisie se lance dans les énergies vertes et renouvelables : son objectif est de porter leur part dans le bouquet énergétique de 3 % actuellement à 30 % en 2030, pour atteindre une capacité installée de 4 700 MW. Pour cela, il compte sur son potentiel éolien et solaire, atouts naturels négligés jusque-là malgré des tentatives qui ont tourné court dans les années 2000.
Un taux d’ensoleillement moyen de plus de 3 000 heures par an et un potentiel éolien de 8 GW sur 1 600 km² exploitables ont convaincu l’État d’entamer une intégration progressive des énergies renouvelables.
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Il s’est d’abord doté en 2015 d’un cadre juridique avec une loi relative à la production d’électricité à partir des énergies renouvelables destinée aussi bien à la consommation locale qu’à l’exportation, et il a mis en place des formules de partenariat public-privé pour l’exploitation des concessions. En 2017, le ministère de l’Énergie a soumis leur attribution à un appel à projets portant dans un premier temps sur une capacité globale de 140 MW.
Marché juteux
Le pays conduit sa transition vers une économie verte en adaptant son réseau électrique aux énergies renouvelables. Le dispositif de production comprend la construction de cinq stations photovoltaïques dans le Sud tunisien et d’une unité éolienne au cap Bon, ainsi que d’une station de stockage d’énergie par pompage de turbine dans le Nord-Ouest. Pour un budget estimé à près de 10 milliards de dinars, la Tunisie améliorera sa capacité énergétique d’environ 800 MW.
En aval, l’optimisation du contrôle de la consommation sera effective avec l’installation de 100 000 compteurs intelligents dans le cadre du projet Smart Grid. Un marché juteux qui suscite de nombreuses convoitises et qui a été à l’origine d’une crise qui a conduit au rattachement du ministère de l’Énergie à celui de l’Industrie.
Le pays s’intéresse également aux énergies marines, à la biomasse et à la valorisation des déchets
La Tunisie avance néanmoins, soutenue notamment par l’AFD et par la coopération allemande. Elle compte aussi sur des projets comme Desertec, mené par les Britanniques de Nur Energie pour un investissement de 1,6 milliard d’euros, afin d’exporter 4,5 GW de puissance électrique solaire vers l’Italie, Malte et le sud de la France.
Pour exploiter ses capacités au maximum, le pays s’intéresse également aux énergies marines, à la biomasse et à la valorisation des déchets tout en mettant en place un plan d’efficacité énergétique pour les nouvelles constructions. Toutes les ressources d’énergie propre ont ainsi été identifiées ; reste à réaliser les projets.