« J’ai toujours vécu en Algérie. Dans notre société, les cheveux crépus sont très mal vus. Une grande partie de la population se lisse les cheveux avec des produits chimiques pour répondre aux critères de beauté qui se limitent à des traits fins et à des cheveux lisses comme ceux de vous savez qui… » : ainsi témoigne Mélissa, 17 ans, sur le compte Instagram de Hrach Is Beautiful, « hrach » étant un terme péjoratif pour désigner le cheveu crépu en darija.
Le mouvement, lancé par deux Français nés de parents marocains – Yassine Alami, 28 ans, professeur d’histoire-géographie, et Samia Saadani, 25 ans, doctorante en sciences de gestion –, entend revaloriser le cheveu crépu en Afrique du Nord et dans la diaspora.
Tout commence sur Twitter en avril 2018. « J’ai publié un témoignage dans lequel je racontais qu’avant mon départ pour le Maroc, où je n’étais pas allé depuis huit ans, mes proches m’avaient dit de faire attention à mes cheveux. Parce qu’ils étaient longs et crépus, j’allais être victime de brimades », raconte Yassine Alami.
Négrophobie
Samia Saadani, qui a les cheveux bouclés et crépus, fait partie de la centaine de personnes qui retweetent ce témoignage. À l’occasion de la conférence intitulée « Afrique du Nord : on en est où avec nos cheveux ? », à Paris, les deux militants antiracistes décident de fonder leur mouvement de revendication. Le 1er septembre 2018 est née une association reconnue par la loi française, et près de 300 témoignages comme celui de Mélissa ont afflué, tous réseaux sociaux confondus.
« Pendant vingt-huit ans, j’ai pensé que mes cheveux étaient harchine, sans aucune forme. J’ai eu recours à toutes sortes de brushings et de lisseurs », raconte Safae, Marocaine de 30 ans. « Le dénigrement du cheveu crépu révèle le rejet de notre africanité, la négrophobie prégnante en Afrique du Nord entre autres problématiques. La question est éminemment politique », clame Alami.
Modèles
Si les similitudes avec la vague Nappy, qui s’est propagée au sein des populations noires, sont sans équivoque, ce mouvement a mis de côté les personnes d’origine maghrébine, souligne le duo. « Lors de notre première conférence, nous avons invité la coiffeuse Aline Tacite, fondatrice du salon Boucles d’ébène. Cela nous a permis d’évoquer les deux mouvances. » Principales différences : le contexte historico-social et le tabou persistant autour du cheveu crépu en Afrique du Nord.
Pourtant, les modèles ne manquent pas. Le duo cite le footballeur égyptien Mohamed Salah, la chanteuse marocaine Malika Zarra et le mannequin Yassine Rahal, d’origine marocaine. « Nous voulons que la prochaine génération puisse s’accepter telle qu’elle est », disent les deux militants, qui poursuivent le travail entamé par des blogueuses marocaines depuis le début des années 2010.