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Le chef du gouvernement marocain, Saadeddine El Othmani, avec son prédécesseur, le secrétaire général du Parti justice et développement (PJD), Abdelilah Benkirane, lors d’un meeting électoral le 25 septembre 2016 à Rabat. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

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Maroc : PJD, la preuve par sept

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[Édito] Le PJD est-il soluble dans la démocratie ?

Sept ans déjà… Arrivé au pouvoir à l’issue d’élections anticipées et dans la foulée d’un mouvement de contestation auquel il n’avait pas pris part, le Parti de la justice et du développement (PJD) a-t-il atteint l’âge de raison ?

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Mis à jour le 23 octobre 2019 à 20:44
François Soudan

Par François Soudan

Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

Des militantes du PJD, en octobre 2016 près de Rabat. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

Les consultations locales de 2015 et les législatives de 2016 ont démontré que le parti de la lampe s’inscrivait dans la durée, savait mieux que d’autres mobiliser sa base militante et confirmait son ancrage au sein de la classe moyenne. Son image de formation intègre, porteuse des valeurs d’un islamisme urbain, pragmatique, conservateur et libéral sur le plan économique, continue de susciter l’adhésion d’un socle apparemment irréductible d’électeurs, pour lesquels ce parti jeune (22 ans, dont quinze au sein de l’opposition) représente toujours une solution crédible.

De l’islamisme radical des origines au parti de gouvernement, la lente évolution du PJD vers l’appropriation des normes politiques modernes, via la rupture avec le « frérisme » et la construction d’une identité propre, est quasi achevée, et sa « marocanisation », semble-t-il, irréversible. Devenu un parti (presque) « comme les autres », le PJD doit donc être jugé à la même enseigne que les autres.

Projets fous, agenda inexistant

Or c’est justement là que le bât blesse. Sept ans après son accession à la tête du gouvernement, le parti de Benkirane et d’Othmani n’est toujours pas sorti de l’apprentissage. À l’instar d’Ennahdha en Tunisie ou du Parti liberté et justice (Frères musulmans) en Égypte, le PJD n’avait pour tout viatique, en novembre 2011, que sa totale inexpérience de la gestion des affaires publiques.

Longtemps habitués à organiser leur survie dans la clandestinité, ses dirigeants n’étaient pas prêts à exercer le pouvoir dans un contexte démocratique. Ils ne le sont guère plus aujourd’hui. Trop peu de cadres, des projets flous, un agenda inexistant : autant de handicaps rédhibitoires qui ont conduit ce parti à se diluer dans des querelles d’ego internes et des relations intestines conflictuelles au sein d’une majorité parlementaire hétéroclite et en partie hostile.

S’ajoute à cela son incapacité à trouver réellement ses marques dans un contexte marocain très spécifique, où le roi est à la fois chef politique et religieux. D’où les va-et-vient réguliers entre soumission à la monarchie et dénonciation du tahakoum, cet « État caché » qui permet d’éviter l’emploi du mot « makhzen » mais veut dire la même chose et fait office de bouc émissaire pour bien des échecs.


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Une contrainte pour le Roi

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que l’opinion marocaine mette au crédit du souverain les principales réussites de ce septennat et au débit des gouvernements PJD tout ce qui ne va pas. Même si le niveau de vie des Marocains a substantiellement augmenté depuis 2011, à l’instar du salaire moyen et du revenu national brut par habitant, le taux de pauvreté ressentie et subjective, source directe du désir d’émigration des jeunes diplômés urbains, ne cesse, lui aussi, de croître : majoritaires sont les Marocains à ne plus faire confiance à leurs ministres pour réduire le chômage, combattre l’incivisme et apaiser le malaise social.

La monarchie, qui a déjà la haute main sur la diplomatie, la défense, la sécurité, les affaires religieuses et les grands projets économiques, est plus que jamais la seule institution en laquelle ont foi les citoyens. Une contrainte pour le roi, placé en première ligne, et une bérézina pour la classe politique, PJD en tête.