Tunisie – Olfa Lamloum : « L’austérité est une recette éculée »

Chercheuse et directrice du bureau international d’Alert en Tunisie, Olfa Lamloum remet en cause les politiques d’austérité qui prévalent depuis 2011 dans le pays et met en garde contre la marginalisation des régions frontalières.

Olfa Lamloum, Chercheuse et directrice du bureau international d’Alert en Tunisie. © DR

Olfa Lamloum, Chercheuse et directrice du bureau international d’Alert en Tunisie. © DR

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Publié le 26 octobre 2018 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Les mécanismes d’inclusion de la région d’intérieur et du sud ont-ils évolué ?

Olfa Lamloum : Malheureusement non, selon nos enquêtes. À Ben Guerdane – à la frontière avec la Libye –, comme à Kasserine – près de la frontière avec l’Algérie –, les habitants évoquent spontanément leur marginalisation. Cette représentation se fonde sur des formes tangibles d’exclusion sociale, économique, politique et spatiale.

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Plus de sept ans après la révolution, les régions du Centre-Ouest et du Nord-Ouest continuent à présenter les indices de pauvreté les plus élevés du pays. Les taux d’abandon scolaire les plus importants touchent les gouvernorats de Kasserine et de Jendouba. Dans certaines localités du Sud, le taux de chômage est trois fois supérieur à la moyenne nationale : 43 % dans la ville de Dehiba, à la frontière libyenne. Force est de constater que la révolution n’a pas remis en question la forte reproduction de la précarité et de la pauvreté dans ces régions.

Aucune des réformes mises en oeuvre depuis 2011 n’a porté ses fruits ? 

Depuis la chute de Ben Ali, les gouvernements se succèdent et se ressemblent en matière de politiques économiques. Tous préconisent une recette éculée, à savoir l’austérité, qui interdit tout espoir de sortir du chômage de masse et des inégalités régionales. Les priorités de la loi de finances 2018 ont été la limitation de la masse salariale, la baisse des subventions sur l’électricité et le gaz et l’augmentation de la TVA. Pour conjurer la pauvreté, on se contente de certains filets protecteurs, comme des aides ou des contrats précaires pour les jeunes.

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Les expériences citoyennes ne bénéficient que rarement du soutien des élites politiques au pouvoir

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Avez-vous connaissance de projets qui permettraient d’amorcer un désenclavement ?

Les exemples sont nombreux. Il y a cette expérience pionnière d’économie sociale et solidaire de Jemna, une localité de 7 000 habitants dans le Sud, menée par l’association de défense des oasis de Jemna. Cette dernière gère depuis 2011, d’une façon collective, une palmeraie de 185 hectares et 11 000 palmiers tout en garantissant l’embauche massive d’ouvriers et une réallocation d’une partie des bénéfices dans des projets de développement communautaire, comme la construction d’écoles.

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Autre exemple, dans lequel l’ONG International Alert a joué un rôle important : la mise en place, en 2017, du budget participatif dans le quartier populaire d’Ettadhamen (Grand Tunis). Pour la toute première fois, ce processus a permis aux habitants et aux jeunes de ce quartier stigmatisé, et souvent réduit dans les médias dominants à un bastion salafiste, de décider démocratiquement des priorités de l’allocation d’une partie du budget de leur municipalité. Ces expériences citoyennes ne bénéficient que rarement du soutien des élites politiques au pouvoir. Elles sont fragiles. Mais elles montrent que l’espoir est encore permis. Une Tunisie sociale et démocratique, donc juste, est possible.

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