Côte d’Ivoire : les privés écartés du Conseil du café-cacao

Après deux années de crise, Abidjan restructure, pour mieux le contrôler, l’organe de régulation d’un secteur clé de l’économie nationale.

Des hommes chargent des sacs de cacao dans un entrepôt du port de San Pedro en Côte d’Ivoire, le 9 janvier 2011 © Jane Hahn/NYT-REDUX-REA

Des hommes chargent des sacs de cacao dans un entrepôt du port de San Pedro en Côte d’Ivoire, le 9 janvier 2011 © Jane Hahn/NYT-REDUX-REA

Publié le 9 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

En Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de fèves, la campagne de commercialisation 2018-2019, ouverte le 1er octobre, est placée sous le signe de la reprise en main par l’État du conseil d’administration du Conseil du café-­cacao (CCC), l’organe de régulation et de gestion de la filière.

Une réforme que peu de professionnels avaient vue venir. Le 27 septembre, le président Alassane Ouattara a signé une ordonnance excluant les exportateurs, les transformateurs, les banquiers et les assureurs de son conseil d’administration.

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Cette mesure prend également en compte la fusion des ministères du Commerce et de l’Industrie intervenue en juillet, faisant passer cette assemblée de quatorze à dix sièges répartis entre les représentants de l’État et les producteurs. La décision a été prise à l’issue d’un conseil présidentiel des matières premières. La Banque mondiale, qui apportera un financement de 200 millions de dollars à la filière en 2019, avait été prévenue l’avant-veille de cette évolution.

La baisse des cours a coûté officiellement plus de 197 milliards de F CFA (300 millions d’euros) à l’État

Les spécialistes y voient la volonté d’Abidjan de mieux contrôler le pilotage de la filière, qui, ces deux dernières années, a été secouée par la baisse des cours et des défauts de plusieurs exportateurs sur certains contrats d’achat. Le tout a coûté officiellement plus de 197 milliards de F CFA (300 millions d’euros) à l’État, entraînant une baisse de 8 % à 9 % de ses recettes. La gestion de la première ressource agricole du pays ne devrait cependant pas y gagner en transparence.

Alignement du modèle ivoirien sur celui du voisin ghanéen

Cette nouvelle orientation est aussi la marque d’un alignement du modèle ivoirien sur celui du voisin ghanéen, même si ce dernier ne donne pas voix au chapitre à ses producteurs. En mars, lors du dernier Africa CEO Forum, le président Ouattara avait annoncé avoir signé un accord de coopération avec son homologue Nana Akufo-Addo dans le but d’unir les deux premiers producteurs mondiaux de cacao dans la défense de leurs intérêts sur le marché.

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D’ailleurs, il n’y a cette année qu’un faible écart entre le prix d’achat offert aux producteurs de chaque côté de la frontière, afin d’éviter la contrebande entre les deux pays. Quand Abidjan annonce un prix de 750 F CFA par kilo, Accra accorde 830 F CFA à ses producteurs.

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Pour les 2 millions de cacaoculteurs ivoiriens, cela se traduira par un gain total d’environ 100 milliards de F CFA supplémentaires par rapport à 2017-2018 si la production reste proche des deux millions de tonnes. En guise de compensation, le secteur privé intégrera un comité consultatif spécialement créé où siégeront également les producteurs et l’État.

Le CCC sera autorisé à mettre sur le marché jusqu’à 100 000 t de fèves par jour contre seulement 20 000 t auparavant

Parallèlement, le CCC a vu son champ d’action élargi concernant la commercialisation du cacao. Il sera autorisé à mettre sur le marché jusqu’à 100 000 t de fèves par jour, en dehors des ventes par anticipation, contre seulement 20 000 t auparavant. L’objectif est de mieux profiter des fluctuations importantes des cours. Des ventes qui pourront désormais se faire de gré à gré alors qu’elles nécessitaient jusqu’à présent des enchères. Là encore, on observe une inflexion vers les méthodes du Ghana, qui pratique des ventes spot en fonction des opportunités.

Un recensement enfin acté

Abidjan va réaliser le recensement des cacaoculteurs, promis depuis 1999. Ces derniers avaient à de nombreuses reprises fait part de leur mécontentement quant au choix de leurs représentants au CCC. Un acte fort en direction d’une population qui représente un réservoir de voix important pour le parti présidentiel à l’approche de l’élection de 2020.

Les exportateurs se mobilisent

Face aux multinationales comme Cargill ou Olam, une douzaine d’exportateurs locaux veulent pousser plus loin leur coopération. En créant le Collectif des exportateurs nationaux du café-cacao de Côte d’Ivoire, sans pour autant claquer la porte du Groupement des négociants ivoiriens, qui portait jusqu’à présent leur voix, ils souhaitent mutualiser certaines charges comme le stockage des fèves, la recherche de financements ou l’assurance de leurs contrats.

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