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Le Congo à l’heure des comptes
«Ku lala ve ! » (« Ne dors pas ! »), telle est la devise de la cinéaste Sylvie Mavoungou Bayonne et de son festival, Soul Power Kongo. Créé et orchestré par la société de la réalisatrice, Matombi Productions, ce rendez-vous culturel fait bouger la cité océane depuis 2014. Sa 5e édition, qui se tiendra du 15 au 17 novembre, donne carte blanche au tromboniste américain Fred Wesley, l’ex-directeur musical de James Brown, auquel se joindront ses New JB’s et quelques autres stars de la scène soul, jazz et funk nord-américaine, comme le New-Yorkais DJ Logic.
Au programme : des master class entre artistes congolais et invités, des ateliers, des concerts, des animations pour enfants, des expositions, des ciné-débats… Sans oublier un hommage à la Sud-Africaine Miriam Makeba, avec notamment un slam théâtralisé écrit par Gilles Douta et interprété par la comédienne Hourra.
Après avoir développé ses talents dans la direction artistique et la production audiovisuelle à Paris, où elle s’est également fait connaître en tant que mixeuse sous le pseudonyme de DJ Kongokween, Sylvie Mavoungou Bayonne, de mère martiniquaise et de père congolais, rentre dans son Congo natal en 2012. Elle y rencontre des difficultés pour trouver des techniciens formés. « Il y avait de réels besoins dans l’accompagnement des artistes afin de les amener à un niveau de qualité international », explique-t-elle. Pour y remédier, elle organise des ateliers, des résidences artistiques, des master class avec des artistes internationaux afin de professionnaliser les talents congolais en créant des projets communs… Tous les ingrédients qui font aujourd’hui le festival.
Une bonne partie de la musique internationale a des racines kongo
Reconstruction historique
Ainsi naissait Soul Power Kongo. Et avec lui la Fanfare Funk de Pointe-Noire, le Likembe Soul Opéra (premier opéra créé au Congo) ou encore le spectacle « Du conte Kongo au conte Kreyol », avec des artistes congolais, martiniquais, jamaïcains, américains… Des choix et des créations procédant d’une volonté de reconstruction historique.
« Une bonne partie de la musique internationale a des racines kongo. C’est une histoire taboue, mais les premiers déportés africains à avoir mis le pied sur le continent américain étaient kongos. Ils sont notamment la source de l’afro-brésilien et de l’afro-cubain », détaille Sylvie Mavoungou Bayonne, qui a consacré vingt ans à ses recherches sur le royaume kongo.
Évoqué en littérature par Chinua Achebe dans L’Éducation d’un enfant protégé par la Couronne, l’ancien royaume s’étendait sur les actuels Congo, République démocratique du Congo et Angola. Tout comme le Sénégal, à Gorée, ou le Bénin, à Ouidah, il eut son port négrier, à Loango, à 20 km de Pointe-Noire, d’où sont partis 2 millions d’esclaves.
J’aime que les artistes exposés prennent des risques
Depuis l’an dernier, Sylvie Mavoungou Bayonne permet aussi à des peintres d’exposer dans les rues, sur des panneaux publicitaires, à travers une manifestation baptisée « En attendant votre pub… j’expose ». Cette année, les œuvres, présentées dès le 28 septembre à l’issue d’un vernissage de rue, mettront en lumière l’art culinaire congolais. « Cela fait partie de notre patrimoine culturel, il ne faut pas l’oublier ! » explique-t-elle.
Pour l’occasion, le photographe congolais Robert Nzaou-Kissolo, qui partage sa vie entre Pointe-Noire et son atelier sud-africain du Cap, a réalisé une série de clichés intitulée « Madia ya bwala » (« la nourriture de chez nous »). Surtout connu pour ses photos de rue, il y sublime le manioc, les piments, le gombo, les chenilles… « J’aime que les artistes exposés se surpassent, qu’ils aillent plus loin et présentent autre chose que ce qu’ils savent faire. Qu’ils prennent des risques », souligne Sylvie Mavoungou Bayonne. Ne pas dormir. Encore et toujours dépasser ses limites.