
La lutte anti-corruption lancée par Xi Jinping n'épargne pas les acteurs de la Chinafrique. © Minh Hoang/AP/SIPA
À la tête d’un pays dont le PIB est le triple de celui de l’Angola et pèse vingt fois celui du Sénégal, le Premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad, peut sans doute se permettre – pour des raisons qui relèvent aussi de la politique intérieure – de tirer un trait sur 22 milliards de dollars d’investissements chinois, qui alourdiraient d’autant la dette nationale et dont, dit-il, « nous n’avons pas besoin ».
Sur un continent, l’Afrique, à l’industrialisation balbutiante et en déficit dramatique d’infrastructures, qui pourrait s’autoriser un tel refus ? D’où l’inaudibilité des discours alarmistes d’un Emmanuel Macron mettant en garde Chinois et Africains à propos des « routes d’une nouvelle hégémonie » qui viendraient « mettre en vassalité les pays qu’elles traversent », ou de l’ex-secrétaire d’État américain Rex Tillerson tonnant contre les « prêts prédateurs qui engluent les pays dans la dette ».
Relation sino-africaine
Outre le fait que ce néo- « China bashing » cache mal l’inquiétude des Occidentaux face à une Chine sûre d’elle-même et de sa place retrouvée dans le monde, ces avertissements méconnaissent ce qui fait la spécificité identitaire de la relation sino-africaine. Traités inégaux, pillage des ressources, occupation coloniale : la Chine, elle aussi, a été victime de ces maux à une époque – 1840-1949 – qu’elle considère comme le point le plus bas de son Histoire.
Si piège il y a, la responsabilité en incombe avant tout aux dirigeants africains eux-mêmes
Quand les diplomates chinois en poste en Afrique répètent à leurs interlocuteurs : « Nous sommes les amis des bons, mais aussi des mauvais jours », c’est donc avec plus de sincérité – et de crédibilité – que leurs homologues européens et américains. Quant au fardeau de la dette, si piège il y a, la responsabilité en incombe avant tout aux dirigeants africains eux-mêmes, à qui Pékin n’a jamais collé un pistolet sur la tempe pour qu’ils souscrivent aux prêts proposés.
Sans oublier ce que nous disait le président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh : « Ce que les Chinois construisent chez nous, tous nos autres partenaires avaient refusé de le faire. »
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