Mali : retour au sommet pour la CMDT

Grâce à l’entreprise publique, la production de coton affiche une hausse à deux chiffres, au point que le pays a récemment regagné sa place de leader sur le continent. Reste désormais à inscrire ces bons résultats dans la durée.

L’usine d’égrenage de la société publique malienne, à Ouéléssébougou. © emmanuel daou bakary

L’usine d’égrenage de la société publique malienne, à Ouéléssébougou. © emmanuel daou bakary

Publié le 28 septembre 2018 Lecture : 5 minutes.

Qu’il semble loin le temps – c’était pourtant au milieu de la décennie passée – où la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT) était considérée par beaucoup comme virtuellement en faillite. Le retournement est spectaculaire pour la société publique : lors de la dernière campagne, la CMDT, qui pilote l’ensemble de la filière de l’or blanc au Mali, a clôturé son exercice avec des résultats à faire pâlir bien des entreprises africaines. Son chiffre d’affaires a ainsi bondi de 18 %, à 326 milliards de francs CFA (497 millions d’euros). Quant à son résultat, qui atteint 10 milliards de FCFA, il se traduit par une marge nette de 3 %.

« Les chiffres sont satisfaisants, et ils sont le fruit du travail de l’ensemble des acteurs de la filière », se félicite Baba Berthé, PDG de l’entreprise depuis octobre 2016 et ancien ministre de l’Agriculture du gouvernement de transition de Diango Cissoko. Du coup, une enveloppe de 35,23 milliards de FCFA a été dégagée pour soutenir les investissements. Et Baba Berthé d’insister : « Nous avons du potentiel pour aller de l’avant. Cela se ressent dans notre plan de campagne 2018-2019 qui prévoit une production d’au moins 750 000 tonnes ».

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Un élément clé pour l’économie du pays dont le PIB dépend à 8 % de cette culture. Le coton est, avec les mines d’or, une des principales ressources naturelles – et de devises – du Mali. Au total, quelque 4,5 millions de Maliens, sur une population totale d’environ 16 millions de personnes, vivent de près ou de loin de la fibre blanche.

À nouveau devant le Burkina

Si la dernière campagne a marqué un record, ce n’est pas la première fois que le Mali s’arroge le titre de premier producteur du continent. Lors de la saison 2011-2012, la CMDT, détenue à 99 % par l’État et à 1 % par le groupe français Geocoton de l’homme d’affaires sénégalo-libanais Abbas Jaber, avait permis au pays de monter sur la plus haute marche du podium avec une production de 406 000 tonnes.

Ensuite, le Burkina Faso l’avait distancé. Mais avec une production de 728 600 tonnes de coton graines récoltées l’an dernier, le Mali est donc repassé devant son voisin. Ce dernier a en effet vu sa production chuter de plus de 10 %, à 658 000 tonnes, du fait d’une pluviométrie sporadique et surtout de la recrudescence de parasites.

Mais depuis, la culture cotonnière au Mali a repris du poil de la bête. Le dernier plan quinquennal de CMDT, qui prévoit entre 60 et 70 milliards de F CFA d’investissement par an pour développer la filière, a porté ses fruits. Les réformes opérées, et une météo favorable, ont permis au pays d’augmenter de 25 % en moyenne sa production depuis deux ans. Celle-ci s’était élevée à près de 650 000 tonnes lors de la saison 2016-2017, avant d’atteindre son record de l’an dernier.

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Volonté politique

L’envoi d’une soixantaine de techniciens auprès de producteurs et la mise à disposition de semences de belle facture ont également galvanisé les acteurs. Parmi les autres facteurs qui réjouissent les producteurs, on trouve le niveau élevé des prix à la production lié à la relative bonne tenue des cours mondiaux et surtout les paiements perçus juste après les récoltes.

La CMDT n’engage pas moins de 250 milliards de FCFA par campagne pour payer les producteurs. « Nous avons mis en place un prix d’achat attractif de l’ordre de 240 FCFA par kilogramme. Pour cette nouvelle campagne, nous allons même augmenter ce tarif de 10 FCFA », confie Baba Berthé.

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Le plan quinquennal de CMDT prévoit que le Mali augmente peu à peu sa production pour atteindre le cap des 800 000 tonnes en 2017-2018. L’entreprise a raté cet objectif lors de la dernière saison, mais l’ambition et la volonté politique demeurent intactes. La filière a pu redresser la tête grâce à une panoplie des mesures techniques ou agronomiques comme l’emploi accru de chaux agricole, l’usage de tracteurs et l’application de la méthode d’espacement entre les cotonniers pour doper les rendements à l’hectare. À cela s’ajoute un effort au plan industriel à travers un vaste programme d’investissement conduit par Geocoton, acteur clé de la filière, dans les usines d’égrenage (lire l’encadré ci-dessous).

Améliorer les rendements

Pour les pouvoirs publics, il s’agit désormais de renforcer la dynamique. De fait, le rebond de la production malienne et la bonne santé de la CMDT ont été favorisés par le soutien de l’État qui a investi plusieurs dizaines de milliards de FCFA dans la filière, un gage de stabilité sociale dans le sud du pays. Le gouvernement a par ailleurs augmenté sa subvention (plus de 20 milliards de FCFA) et baissé les prix des intrants.

Ainsi, le prix de vente au producteur du sac de 50 kilogrammes d’urée a été revu à la baisse de 1 500 FCFA, passant à 11 000 FCFA. Cette mesure a aidé le secteur à améliorer les rendements qui sont passés de 916 kilogrammes par hectare au cours de la campagne précédente à plus de 1 000 kg/ha l’an dernier. Largement mis en scène par le président Ibrahim Boubacar Keïta, un programme de vente aux producteurs de 1 000 tracteurs subventionnés à 50 % a permis d’améliorer le taux de mécanisation. De même, les quelque 165 000 exploitants familiaux ont reçu des intrants de qualité à travers les coopératives de producteurs de coton, qui jouent un rôle clé dans la gestion de la filière.

La transformation reste un défi

Forte de ses bons résultats de 2017, la CMDT n’entend pas en rester là. Pour consolider son activité, Baba Berthé entend encore accélérer la politique agricole de hausse des rendements. « Il nous faut améliorer le volume de la production par de meilleurs rendements à l’hectare qui sont actuellement d’environ une tonne. Notre objectif est d’atteindre 2 tonnes à l’hectare, comme dans les pays producteurs les plus performants », annonce-t-il.

Grâce à un encadrement rigoureux et à des efforts soutenus dans les unités de recherche, le pays dispose de variétés plus productives pouvant donner entre 1,5 et 2 tonnes par hectare. « Si nous continuons à travailler sur ces variétés, il est possible d’atteindre 3 tonnes », espère-t-il. Rappelons que le pays a abandonné ses tentatives d’utilisation de semences OGM, peu convaincantes en termes de résultats.

Reste un enjeu, presque aussi vieux que la culture du coton : celui de la valorisation de la fibre. Comme de nombreux pays de la région, le Mali exporte surtout du coton brut. « Nous transformons à peine entre 2 et 3 % de notre coton. Ce n’est pas normal. La filière doit s’organiser si nous voulons apporter de la valeur ajoutée », plaide Baba Berthé. Ce pari tient particulièrement à cœur à l’ancien ministre de l’Agriculture. Sa prochaine mission : convaincre le gouvernement et les sociétés cotonnières d’attirer des investisseurs pour créer des unités de filature. Une autre histoire.

Un alliance avec Geocoton pour booster les capacités industrielles

C’est un partenariat qui doit permettre à la société malienne de renforcer ses capacités d’égrenage. En 2016, la CMDT a signé un contrat avec le français Geocoton pour la construction de deux usines d’égrenage de coton et la modernisation de trois autres unités industrielles. Coût total du projet : 42 millions d’euros.

Ces nouvelles unités, situées à Kadiolo, à proximité de la frontière ivoirienne, et à Kimparana, dans la région de Ségou, vont augmenter de 100 000 tonnes par an la capacité d’égrenage du pays. Les travaux de modernisation des sites industriels visent, eux, à accroître de 20 % leurs capacités. En renforçant son dispositif industriel, la CMDT poursuit son ambition de porter la production à 800 000 tonnes dès 2018.

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