[Édito] La bataille d’Alexandrie

Macky Sall a décidé de faire de la ville de Diamniadio son Alexandrie. À l’heure de présenter son bilan à ses compatriotes, ce projet de ville nouvelle est l’enjeu majeur du président pour tenter de briguer un second mandat.

La ville nouvelle de Diamniadio, en pleine construction. © SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A

La ville nouvelle de Diamniadio, en pleine construction. © SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A

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  • Mehdi Ba

    Journaliste, correspondant à Dakar, il couvre l’actualité sénégalaise et ouest-africaine, et plus ponctuellement le Rwanda et le Burundi.

Publié le 31 mai 2018 Lecture : 3 minutes.

Vue de Dakar en juin 2014. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique
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Sénégal : neuf mois pour convaincre

Face à une opposition agressive mais fragmentée, le président Macky Sall affiche un bilan économique globalement satisfaisant. Et aborde avec confiance le scrutin de février 2019.

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C’est une anonyme bourgade sénégalaise qui représentera l’un des principaux enjeux de la prochaine présidentielle. À une trentaine de kilomètres du centre-ville de Dakar, Diamniadio s’est longtemps contentée de marquer la porte de sortie symbolique de la presqu’île du Cap-Vert, carrefour vers les routes desservant l’intérieur du pays.

Peu après son élection, Macky Sall a décidé d’en faire son Alexandrie. Certes, le président sénégalais ne se rêve pas en Alexandre le Grand, et il n’a pas rebaptisé Diamniadio à sa gloire. Mais à l’heure de présenter son bilan à ses compatriotes, espérant signer un nouveau bail, de cinq ans, il a fait des milliers d’hectares entourant la ville, où les bâtiments sortent de terre tels des champignons, un enjeu majeur du septennat finissant. Comme dans l’antique Alexandrie, toutes proportions gardées, politique, commerce, sport, culture et habitations voisineront dans ce projet de ville nouvelle censée incarner le « Sénégal émergent » cher au chef de l’État.

Macky Sall sait que c’est sur la base de ce que les Sénégalais peuvent voir et toucher qu’ils lui réitéreront ou non leur confiance

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Macky Sall connaît bien les Sénégalais. Et il sait que c’est sur la base de ce qu’ils peuvent voir et toucher qu’ils lui réitéreront ou non leur confiance. Si la maîtrise du taux d’inflation est de nature à satisfaire la Banque mondiale et le FMI, ses compatriotes, eux, se réfèrent au prix de la miche de pain, du sac de riz de 25 kg ou du kilowattheure. Si une croissance à plus de 6 % est incitative pour les investisseurs étrangers, elle ne saurait concurrencer, dans le cœur des Sénégalais, l’édification d’un pont ou d’un dispensaire dans une région délaissée.

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C’est pourquoi, tandis que l’opposition le voue quotidiennement aux gémonies, Macky Sall met les bouchées doubles. Ici, il inaugure une route entre Fatick et Kaolack. Là, à Foundiougne, il lance la construction d’un gigantesque pont à péage enjambant le Saloum. Depuis quelques mois, les inaugurations riment avec goudron ou béton…

Course contre la montre

Mais c’est à Diamniadio, épicentre du Plan Sénégal émergent (PSE), que Macky Sall s’est lancé dans une véritable course contre la montre. En décembre 2017, après avoir inauguré un hôtel Radisson nouvellement bâti, il a imposé la mise en service de l’aéroport international Blaise-Diagne (AIBD), dont le chantier n’en finissait pas de ne pas finir. En mai, le premier vol commercial du nouveau pavillon national, Air Sénégal SA, permettait de rallier Dakar à Ziguinchor l’enclavée.

Rome ne s’est pas faite en un jour. Et l’Alexandrie de Macky Sall ne révélera son vrai visage, au mieux, qu’au cours du quinquennat à venir

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D’autres infrastructures sont attendues, comme le palais des sports Dakar-Arena, à Diamniadio, ou l’Arène nationale, à Pikine – une circonscription électorale de la banlieue qui peut, à elle seule, faire basculer une élection. Ce n’est pas davantage un hasard du calendrier si la livraison du tronçon d’autoroute reliant Thiès (fief de l’opposant Idrissa Seck) à Touba (la ville sainte de la puissante confrérie mouride) est fixée à décembre, ou celle du train express régional (TER) à janvier 2019, un mois avant le premier tour de la présidentielle. Censé transporter quotidiennement 115 000 voyageurs entre Dakar et l’AIBD, le TER pourrait changer la vie des centaines de milliers de salariés dont les allers-retours entre la grande banlieue et le cœur de la capitale s’apparentent à un parcours du combattant.

Rome ne s’est pas faite en un jour. Et l’Alexandrie de Macky Sall ne révélera son vrai visage, au mieux, qu’au cours du quinquennat à venir. Mais le chef de l’État s’est donné neuf mois pour en faire son marchepied vers un second mandat.

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