Burkina Faso : le pagne branché signé Bazem’sé

Hier encore, c’était l’étoffe portée par les plus démunis de Bobo-Dioulasso. Aujourd’hui, grâce à la volonté d’un styliste, elle est portée sur les podiums et même au Palais.

Pagne portée lors de la Bobo Fashion Week 2017, lancée par le modéliste Bazem’sé. © D.R

Pagne portée lors de la Bobo Fashion Week 2017, lancée par le modéliste Bazem’sé. © D.R

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Publié le 9 mai 2018 Lecture : 2 minutes.

Roch Marc Christian Kaboré, président du Burkina Faso, le 3 septembre 2015 à Paris. © Vincent Fournier/Jeune Afrique
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Il y a quelques années encore, c’était un pagne au coût si accessible qu’il était surnommé Tchè ti barala (« ton mari ne travaille pas », en diouala) ou Soro man guêlè (« facile de se le procurer »). Une étoffe 100 % coton stigmatisée par les citadins, qui la considéraient comme un vêtement réservé aux villageois démunis. Les professionnels de la mode s’en détournaient. Jusqu’au jour où le styliste Bazem’sé s’en est emparé…

Sébastien Zita Baziémo, à l’état civil, a ainsi décidé, il y a quelques années, de réhabiliter ce pagne dont la technique de teinture en motifs rayés est originaire de Bobo-Dioulasso. Comme les mots charrient les images, il commence par le rebaptiser Koko dunda (« l’entrée de Koko »), du nom du quartier bobolais où travaillent traditionnellement les teinturières spécialistes de sa confection. Le procédé consiste à tremper le pagne vierge dans des solutions colorées après l’avoir plié en accordéon entre des morceaux de chambres à air usées et attaché avec du fil en nylon.

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Sur les podiums et dans le palais présidentiel

Certains citadins snobs tentent de dissuader Bazem’sé, mais le modéliste se met à l’ouvrage. Il fait évoluer la mise en couleurs au-delà des sempiternelles teintes vertes et violettes et imagine des modèles susceptibles de séduire les fashion weeks sous-régionales.

Le président et la première dame ont donné l’exemple en devenant « mannequins » prescripteurs

Surfant sur l’engouement pour les produits locaux relancé par la patriotique insurrection populaire de 2014 – teintée, elle, de sankarisme –, les tenues en Koko dunda se retrouvent sur les podiums et investissent même le palais présidentiel. Monsieur le président du Faso et la première dame donnent l’exemple en devenant « mannequins » prescripteurs…

Gentrification

Mais le nouveau tissu chic de la mode burkinabè sera-t-il confronté à l’écueil que rencontra le très politisé Faso dan Fani, ce pagne tissé artisanal qui est pour le Koko dunda un concurrent autant qu’une matière première ? La « gentrification » d’un produit dédaigné dépossède-t-elle inexorablement ses premiers utilisateurs, plus modestes et donc forcés de se retourner vers la friperie ?

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Bazem’sé reconnaît qu’un pagne Koko dunda se vend aujourd’hui jusqu’à 12 500 F CFA (19 euros), contre 500 F CFA en moyenne auparavant. Mais si les clients « défavorisés » doivent désormais mettre la main à la poche, c’est pour que des teinturières aussi défavorisées qu’eux puissent être rémunérées à la hauteur de leur talent. Pour Alain Sanou, quatrième adjoint au maire de Bobo-Dioulasso, le Koko kunda va devenir pour les Bobolais ce que le jean est aux Américains. Lors de la Bobo Fashion Week 2017, manifestation lancée par Bazem’sé, il a ainsi prédit que l’étoffe resterait portée autant par les masses populaires que par les égéries de la mode.

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