Burkina – Paul Kaba Thiéba : « Le PNDES est ma boussole »

Lutte contre le terrorisme, défis économiques, recomposition politique… Le Premier ministre burkinabè répond aux questions de Jeune Afrique.

Paul Kaba Thieba, Premier ministre burkinabè, à Ouagadougou. © Sophie Garcia/Hans Lucas pour Jeune Afrique

Paul Kaba Thieba, Premier ministre burkinabè, à Ouagadougou. © Sophie Garcia/Hans Lucas pour Jeune Afrique

Publié le 9 mai 2018 Lecture : 4 minutes.

Roch Marc Christian Kaboré, président du Burkina Faso, le 3 septembre 2015 à Paris. © Vincent Fournier/Jeune Afrique
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Burkina Faso : sur tous les fronts

Alors que le pays semble avoir digéré sa révolution, le président Kaboré dispose encore de deux ans pour accélérer le rythme des réformes économiques et tenter de mettre un terme à la menace terroriste.

Sommaire

Reconduit lors du remaniement le 31 janvier, le Premier ministre Paul Kaba Thiéba, 57 ans, bénéficie d’une confiance inébranlable de la part du président Roch Marc Christian Kaboré. Mais son nouveau gouvernement est attendu sur de nombreux fronts : relance économique, partage de la croissance, grogne dans le secteur public, lutte contre le terrorisme.

Un peu plus d’un an après le plébiscite obtenu à Paris auprès des bailleurs et des privés internationaux, qui avaient promis d’investir 28 milliards d’euros dans le Plan national de développement économique et social (PNDES), au coût évalué à 15 400 milliards de F CFA (23,5 milliards d’euros), cet ancien haut fonctionnaire de la BCEAO affirme que la transformation de l’économie est sur de bons rails. Reste, dit-il, à soutenir l’effort et à ramener la sécurité, alors que le pays est régulièrement visé par des groupes armés.

Nous sommes touchés par le terrorisme, mais nous restons debout

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Jeune Afrique : Le 2 mars, Ouagadougou a subi sa troisième attaque terroriste en deux ans. Comment expliquez-vous que le pays soit devenu une cible privilégiée des groupes armés sévissant dans le nord du Mali ?

Paul Kaba Thiéba : Le terrorisme est devenu un phénomène mondial. Aucune région n’est à l’abri, et nous n’échappons pas à cette tragédie. L’activité soutenue des groupes terroristes au Mali et au Niger, et de Boko Haram au Nigeria, crée un environnement régional défavorable à la paix et à la prospérité. Nous ne sommes pas surpris d’être affectés par ces actes meurtriers, qui frappent durement notre peuple. Nous sommes touchés, mais nous restons debout. Je suis persuadé que notre nation subit un phénomène transitoire et que nous vaincrons. Et je peux vous assurer que mon gouvernement est déterminé à ramener la sécurité sur tout le territoire national.

Vous avez toujours pointé les accointances entre les dignitaires du régime déchu de Blaise Compaoré et ces groupes terroristes. Est-ce réellement le cas ?

À ce stade, nous n’écartons aucune piste. Seules les enquêtes en cours nous renseigneront sur les responsables de ces attentats et leurs commanditaires. L’important pour nous est de conjuguer les efforts pour faire éclater la vérité, démasquer les auteurs et les punir pour leurs forfaits. Nous n’avons pas de coupables désignés ni d’idées préconçues.

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Après les attentats de Ouagadougou, considérez-vous que le plan d’urgence 2017-2020 concocté par l’exécutif pour contrer la propagande terroriste, doté d’une enveloppe de 455 milliards de F CFA, reste pertinent ?

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Nous restons convaincus que la meilleure approche est de combiner la riposte militaire avec le développement économique. Nous devons tout faire pour que la misère et la pauvreté cessent d’être des prétextes à la propagation d’idées radicales dans le Sahel. C’est pourquoi le gouvernement, tout en accentuant ses efforts militaires pour instaurer la paix, multiplie les investissements dans les infrastructures pour apporter l’eau, les écoles, les centres de santé et, in fine, améliorer la gouvernance locale.

L’an dernier, nous avons mobilisé environ 80 milliards de F CFA pour réaliser ces infrastructures, et nous projetons d’y ajouter une enveloppe de 155 milliards cette année. Nous mutualisons également les moyens avec nos pays frères du Mali et du Niger au sein du G5 Sahel, pour tenter d’apporter une réponse globale à l’extrémisme violent.

Les critiques, je les comprends et les accepte

Fin janvier, le président Kaboré vous a renouvelé sa confiance à la tête de l’exécutif. Quelles sont désormais vos priorités ?

Je reste déterminé à concrétiser la vision du président Roch Marc Christian Kaboré telle que consignée dans le PNDES. Doté de 15 400 milliards de F CFA, ce plan constitue ma boussole, et ma priorité est d’en accélérer l’exécution pour infléchir la courbe de la pauvreté [+ 41 % en 2016 selon l’Institut national de la statistique et de la démographie], transformer l’économie et redistribuer les richesses créées. Chaque année, mon gouvernement affecte plus de 30 milliards de F CFA pour la gratuité des soins au profit des femmes et des enfants ainsi que pour la mise à niveau des infrastructures sanitaires.

Les critiques, je les comprends et les accepte, mais il est impossible de changer radicalement la situation d’un pays comme le nôtre en deux ans. Il nous faut de la constance dans l’effort comme dans la durée. Nous avons déjà réussi à assainir notre cadre macroéconomique et à relancer la croissance. Nous attendons également une hausse substantielle de nos recettes fiscales, mais les effets des réformes que nous avons lancées ne se feront sentir que dans quelques années.

La gestion de la question sécuritaire par le président Kaboré fait l’objet de nombreuses critiques. Les comprenez-vous ?

Je ne les accepte pas car je les trouve injustes. Personne ne se soucie davantage de la sécurité du pays que le président. Nous avons hérité d’un appareil sécuritaire totalement désarmé. Nous avons dû le reconstruire, autour des principes républicains, en adoptant une loi de programmation militaire censée doter nos forces de défense et de sécurité de moyens importants pour faire face aux menaces.

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