Tunisie : Bizerte se rêve en ville intelligente et durable

Construction d’un nouveau pont, assainissement du lac, gestion informatisée… La métropole du Nord engage des projets qui vont la rendre plus ouverte, plus durable et plus smart.

Vue du vieux port, sur La Marsa, et du quartier de la Ksiba (« la petite kasba ») © Philip Lee Harvey/Cultura

Vue du vieux port, sur La Marsa, et du quartier de la Ksiba (« la petite kasba ») © Philip Lee Harvey/Cultura

CRETOIS Jules

Publié le 29 mars 2018 Lecture : 4 minutes.

Une Tunisienne dépose son bulletin dans un bureau de vote, à La Marsa, banlieue de Tunis (Tunisie), le 21 décembre 2014. © Hassene Dridi/AP/SIPA
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Les voitures s’agglutinent de part et d’autre du pont mobile à double file qui, sur 900 m, enjambe le chenal reliant le lac de Bizerte à la Méditerranée. En cet après-midi pluvieux, les automobilistes craignant de se retrouver coincés jouent du klaxon. Même si le pont mobile ne se lève que deux fois par jour pour laisser circuler les bateaux, beaucoup de Bizertins sont impatients. « Le nouveau pont nous fera du bien ! » lâche l’un d’entre eux.

600 millions de dinars pour le nouveau pont

La capitale du Nord sera en effet dotée, d’ici à la fin de 2021, d’un nouveau pont, fixe et plus élevé (60 m de hauteur) que l’ouvrage existant. Les études, financées par la Banque européenne d’investissement, qui ont dû tenir compte, entre autres, des contraintes de sécurité liées aux installations militaires de la ville, ont été bouclées. Et, le 25 janvier, la Banque africaine de développement a en effet accordé à l’État tunisien un crédit de plus de 361 millions de dinars (120 millions d’euros) pour financer le projet, dont le coût total est estimé à 600 millions de dinars. Le chantier sera lancé dès le troisième trimestre de 2018.

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Bechir Lazzem, médecin local, s’investit depuis des années pour que ce pont voie le jour. Depuis son élection à l’Assemblée des représentants du peuple, il continue d’assurer en partie le dialogue entre la société civile locale et les institutions sur le projet. Le député nahdaoui précise avec enthousiasme que le chantier est loin de se résumer aux 2 km d’ouvrage qui relieront les deux baies. « Il s’agit d’un axe routier de 9 km qui part d’une sortie d’autoroute et permettra de désenclaver toute l’agglomération. Celle-ci compte plusieurs communes modestes, comme Menzel Bourguiba, où il n’est pas rare que les gens manifestent pour se plaindre d’un manque d’infrastructures. Le pont va désenclaver ces communes et faciliter la vie de beaucoup de gens. »

Rêve d’une ville intelligente

Mais ce n’est pas le seul chantier qui va changer la ville. L’architecte Borhane Dhaouadi nous reçoit dans les locaux de son cabinet. Ils abritent aussi l’association Bizerte 2050, qui pilote le programme Bizerte Smart City. « Il y a quelques jours, l’ambassadeur de France, Olivier Poivre d’Arvor, est passé nous rendre visite », lâche-t‑il. Ici, on rêve d’une ville intelligente : gestion intégrée de la mobilité, des performances énergétiques, des bâtiments, des services, etc.

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« Avec la remise à niveau des infrastructures de la ville, qui ne concerne pas seulement le pont mais aussi, par exemple, la captation des eaux de ruissellement, Bizerte est en chantier pour les vingt ans à venir, alors autant en profiter pour voir grand ! » lance l’architecte, qui appelle à prendre des mesures immédiates pour frapper les esprits et encourager tout le monde à accompagner, au moins de ses vœux, les changements en cours. « On pourrait commencer dès maintenant à piétonniser le centre-ville, suggère Borhane Dhaouadi. On attend les élections municipales [du 6 mai] et, dès que la municipalité est en place, on dépose la demande. »

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Le Palais des congrès, symbole du renouveau

Symbole du renouveau de la ville, le 22 janvier, le Palais des congrès, magnifique bâtisse à l’abandon depuis des années, a rouvert ses portes. Du 18 au 21 avril prochain, il accueillera la 2e édition du forum et salon international Bizerte Smart City. Pour l’architecte, la ville intelligente doit résolument se tourner vers un modèle écologique ambitieux. Et elle a encore du chemin à faire.

Des pêcheurs de Menzel Abderrahmen (16 000 habitants), commune qui fait face à Bizerte et qui, comme elle, a une côte sur la mer, l’autre sur le lac, se sont mis en colère, en 2015, lorsque la pêche a été menacée par des pics de pollution liés aux rejets de diverses aciéries et cimenteries. En novembre 2016, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a lancé le programme d’assainissement du lac. D’un coût de 270 millions de dinars, financé par l’État et plusieurs partenaires nationaux et internationaux, il doit s’achever en 2023. D’ici là, les industriels devront s’équiper et procéder à des aménagements.

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Bechir Lazzem se félicite de la concertation entre les différents acteurs et du sens accru des responsabilités. Pour lui, cette opération répond aux attentes des centaines de milliers d’habitants de l’agglomération qui ne résident pas à Bizerte mais vivent en interaction directe avec le lac. À l’instar de Borhane Dhaouadi, il plaide pour que la dépollution du lac s’accompagne d’une campagne pour promouvoir un tourisme respectueux de l’environnement, « qui colle au nouvel esprit de la ville », précise l’architecte. Ces futurs visiteurs pourraient même profiter d’ici à 2030 d’un nouvel aéroport à Utique (à 30 km de Bizerte et 40 km de Tunis). Début mars, le ministre du Transport, Radhouane Ayara, a en effet annoncé qu’un appel d’offres international serait lancé cette année pour ce projet.

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