Politique
Une Tunisienne dépose son bulletin dans un bureau de vote, à La Marsa, banlieue de Tunis (Tunisie), le 21 décembre 2014. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Cet article est issu du dossier

Municipales en Tunisie : le grand test

Voir tout le sommaire
Société

Tunisie : héritage d’égal à égale, le dialogue de sourds

L’égalité hommes-femmes dans l’accès à l’héritage suscite une vive opposition, en particulier dans les rangs des religieux et des partis fondamentalistes. Le débat sur le sujet, épineux mais fondamental, risque cependant de tourner au dialogue de sourds.

Réservé aux abonnés
Mis à jour le 29 mars 2018 à 17:55
Frida Dahmani

Par Frida Dahmani

Frida Dahmani est correspondante en Tunisie de Jeune Afrique.

Une manifestante lors de la marche pour l’égalité dans l’héritage à Tunis, le 10 mars 2018. © Reuters

27Analyse. Défendre les acquis des Tunisiennes ne suffit pas, d’autant que les principes d’égalité et de liberté consacrés par la Constitution permettent une révision du code du statut personnel (CSP) qui, depuis son entrée en vigueur en 1957, leur accorde de larges droits. Une initiative lancée en août 2017 par le président Béji Caïd Essebsi pourrait aboutir à une réforme majeure avec la création de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) chargée d’élaborer des propositions pour réviser certaines dispositions du CSP.


>>> À LIRE – Tunisie : un « deuxième code du statut personnel » en préparation


Celle relative à l’égalité devant l’héritage suscite une vive opposition, en particulier de la part de religieux et de partis fondamentalistes qui l’estiment contraire aux préceptes de la charia. Plus inattendu : 63 % des quelque 1 200 Tunisiens interrogés dans le cadre d’une étude publiée en janvier par l’Institut républicain international (IRI, établi à Washington) y seraient défavorables, 73 % des hommes et 52 % des femmes sondés déclarant être « totalement contre », et seules 33 % des femmes interrogées affirmant être « totalement pour ».

Rapport reporté

Le sujet est si sensible que la Colibe ne remettra son rapport qu’en juin (au lieu de février) pour éviter toute instrumentalisation avant les élections municipales du 6 mai.

Les débats qui s’ensuivront ne risquent pas moins de tourner au dialogue de sourds entre d’un côté ceux qui réclament l’égalité successorale au nom des droits humains inscrits dans la loi fondamentale – selon laquelle « la Tunisie est un État civil [où] les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs [et] égaux devant la loi sans discrimination » –, et de l’autre ceux qui se réfèrent à la même Constitution qui affirme : « La Tunisie est un État libre […]. L’Islam est sa religion […]. L’État protège la religion [et] s’engage à préserver le sacré et empêcher qu’on y porte atteinte. » Une ambiguïté que nombre de familles contournent dans la pratique par le biais de donations du mari à son épouse et du père à ses filles de leur vivant.

Pour dépasser la polémique, la Colibe proposera plusieurs cas de figure qui devront procéder d’une « nécessaire cohabitation démocratique dans le respect des différences et sans exclusion », selon les termes du théologien Hmida Ennaifer. Lequel rappelle qu’en 1981 des juristes s’étaient heurtés au refus – inexpliqué – du président Bourguiba d’intégrer l’égalité dans l’héritage au CSP.

"Bon. Allez. On partage en frères." © DOM

"Bon. Allez. On partage en frères." © DOM