Guinée : investissements lourds dans la bauxite

La production du stratégique minerai est en plein essor dans l’ouest du pays, de même que les projets d’infrastructures logistiques et de raffineries. Comme ceux de la Société minière de Boké (SMB).

Le terminal fluvial de Dapilon, construit par la SMB sur le Rio Nunez, est opérationnel depuis la fin 2016 © Nicolas Cuquel/SMB

Le terminal fluvial de Dapilon, construit par la SMB sur le Rio Nunez, est opérationnel depuis la fin 2016 © Nicolas Cuquel/SMB

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Publié le 14 mars 2018 Lecture : 5 minutes.

Un chauffeur de taxi à Conakry, e,n 2014. © Youri Lenquête pour Jeune Afrique.
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La Guinée face au choc social

La croissance est forte et soutenue. Les revendications sociales le sont aussi en matière de pouvoir d’achat, d’accès aux services de base et, surtout, d’emploi des jeunes. Les Guinéens veulent du changement. Et ils le font savoir.

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Le sous-sol guinéen abrite plus du tiers des réserves mondiales de bauxite – minerai à partir duquel on fabrique l’aluminium –, soit 25 milliards de tonnes, concentrées dans la région de Boké (nord-ouest du pays).

Depuis que l’Indonésie, en 2014, puis la Malaisie, en 2016, ont interrompu leurs exportations de bauxite vers la Chine, premier producteur et consommateur d’aluminium de la planète, la Guinée est devenue l’un de ses principaux fournisseurs.

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La filière s’y développe donc de façon fulgurante, avec des investissements de plus en plus lourds et des acteurs de plus en plus nombreux – Chinois, Russes, Émiratis, Français, Britanniques, etc.

Après deux ans et demi d’exploitation, la production de la SMB est passée à 31 millions de tonnes en 2017, contre 12 millions en 2016

Parmi eux, la Société minière de Boké (SMB). Deux ans et demi après l’entrée en exploitation de son gisement, sa production est passée à 31 millions de tonnes en 2017, contre 12 millions en 2016, exportées en totalité vers la Chine via les ports fluviaux qu’elle a construits sur le Rio Nunez à Katougouma (rive nord, à environ 30 km de sa mine) et à Dapilon (rive sud, quelques kilomètres en aval).

Consortium franco-sino-singapourien créé en 2014, la SMB, ou SMB-Winning, associe Winning Africa Port (filiale locale du singapourien Winning Shipping, le plus grand transporteur maritime d’Asie), UMS International Ltd (société de transport et logistique à capitaux français, leader en Afrique de l’Ouest), Shandong Weiqiao (numéro un de la production d’aluminium en Chine) et l’État guinéen, actionnaire à hauteur de 10 %.

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Elle devrait encore augmenter sa production cette année, notamment grâce à l’accord qu’elle a signé avec la junior française Alliance minière responsable, qui lui vend le minerai de son permis de Boké (entré en exploitation mi-décembre), pour lequel elle table sur une production de 6 millions à 10 millions de tonnes en 2018.

Responsabilités partagées

En décembre, la SMB a par ailleurs annoncé la construction d’une raffinerie d’alumine dans la zone économique de Boké, ainsi que d’une ligne de chemin de fer pour acheminer la bauxite vers le port, le tout pour un investissement estimé à 3 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros).

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Une fois les études de faisabilité et les analyses techniques réalisées, les travaux devraient commencer en 2019, et les nouvelles infrastructures devraient être opérationnelles d’ici à 2022.

« Il ne s’agit pas de faire de la transformation pour faire de la transformation, mais d’avoir un produit compétitif tant pour l’export que pour les nouvelles industries qui pourront se créer aux alentours », explique Frédéric Bouzigues, le directeur général de la SMB.

« La transformation reste l’un des principaux défis de la filière. Elle doit permettre d’élargir l’assiette fiscale, d’avoir plus de devises et de développer l’emploi », souligne Amadou Bah, directeur exécutif de l’ONG Action mines Guinée.

Avec l’afflux de demandeurs d’emploi venus des quatre coins du pays et de l’étranger, la population de la région a triplé

Un enjeu d’autant plus important que la région de Boké a été secouée, en 2017, par d’importants mouvements sociaux pour la création d’emplois et la fourniture de services sociaux de base. Il faut dire que, avec l’afflux de demandeurs d’emploi venus d’autres régions et de l’étranger, la population de la région a triplé ces dernières années.

Frédéric Bouzigues estime pourtant à plus de 100 000 le nombre d’emplois directs et indirects créés par l’ensemble des sociétés du secteur opérant dans la région, dont 10 000 pour la SMB.

Nous, nous appuyons l’État, nous ne le remplaçons pas

« Les attentes des communautés locales sont importantes et ne sont pas nouvelles. Et la répartition des efforts fournis par les acteurs publics et les entreprises privées, de même que la répartition des responsabilités, n’est pas toujours claire pour elles. Chacun doit assumer sa part. Nous, nous appuyons l’État, nous ne le remplaçons pas », rappelle Frédéric Bouzigues.

Ce dernier évalue la contribution de la SMB au développement communautaire en 2016 et 2017 à environ 2 millions de dollars : travaux d’adduction d’eau, construction de deux écoles, de deux centres de santé, etc. Conformément au code minier, qui prévoit que 0,5 % du chiffre d’affaires de la société exploitante alimente un fonds de développement local.

Friguia réhabilitée

Trois autres grands acteurs sont présents dans la région. À commencer par l’opérateur historique, la Compagnie des bauxites de Guinée (détenue à 49 % par l’État guinéen et à 51 % par Halco Mining, coentreprise entre Alcoa, Rio Tinto Alcan et Dadco), qui exploite le gisement de Sangarédi, dont elle extrait 15 millions de tonnes par an de minerai.

Vient ensuite Rusal, qui produit 3,5 millions de tonnes par an via la Compagnie des bauxites de Kindia. Il entend doubler ce volume à partir de 2019, avec l’entrée en exploitation de la première phase de son projet Dian-Dian (au nord de Sangarédi) – un investissement de 220 millions de dollars réalisé via sa filiale, la Compagnie de bauxite et d’alumine de Dian-Dian, qui comprend la construction d’une voie de chemin de fer de 20 km et d’un port minéralier.

Le géant russe achève par ailleurs les travaux de réhabilitation de son usine de Friguia (à Fria). La première raffinerie d’alumine du pays, qu’il avait rachetée en 2003, était à l’arrêt depuis 2012.

Le chemin de fer est opérationnel et l’usine doit être remise en route en avril 2018

« Tout se déroule conformément au calendrier prévu. Le chemin de fer est opérationnel et l’usine doit être remise en route en avril 2018 », assure le ministre guinéen des Mines et de la Géologie, Abdoulaye Magassouba. Une échéance que semblent confirmer les employés du site.

Bouygues en contrat avec GAC

Enfin, Guinea Alumina Corporation (GAC, filiale d’Emirates Global Aluminium) poursuit le développement de son site à Sangarédi (1,3 milliard de tonnes de réserves). En juillet 2017, elle en a attribué le contrat d’exploitation et de construction des infrastructures minières au français Bouygues, qui devrait lancer la production au quatrième trimestre de 2018.

Sur le volet logistique, le port minéralier de Kamsar est opérationnel et, selon la direction de GAC, la construction de la voie de chemin de fer Sangarédi-Kamsar devrait démarrer « dans quelques mois ».

Le projet de la raffinerie d’alumine, qui fait partie des engagements contractuels de GAC, est en phase d’étude

En revanche, aucune date n’a encore été fixée pour celle de la raffinerie d’alumine, dont le coût est estimé à 4 milliards de dollars. « Le projet, qui fait partie des engagements contractuels de GAC, est en phase d’étude », précise Abdoulaye Magassouba.

D’autres gisements devraient être bientôt exploités, comme celui du britannique Alufer, près de Bel-Air, au troisième trimestre de 2018, ou encore, près de Boffa, ceux du chinois Aluminium Corporation of China (Chinalco, prévu au quatrième trimestre) puis, l’an prochain, de ses compatriotes Henan-Chine et TBEA Group.

Sur le podium

La production nationale de bauxite devrait atteindre au moins 48 millions de tonnes en 2018, contre 19 millions en 2013, selon le ministre des Mines, Abdoulaye Magassouba. De quoi permettre à la Guinée de détrôner le Brésil (32 millions de t/an) pour se hisser au rang de troisième producteur mondial, derrière la Chine (65 à 70 millions de t/an) et l’Australie (80 à 85 millions de t/an).

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