Bassek ba Kobhio : « Il manque à la pâte camerounaise la levure qui la ferait lever »

En soixante ans d’indépendance, les Camerounais n’auront pas réussi à gommer le résultat de cinquante années de colonisation.

Yaoundé, Cameroun, décembre 2013. © jbdodane/Flickr

Yaoundé, Cameroun, décembre 2013. © jbdodane/Flickr

Kobhio

Publié le 7 novembre 2017 Lecture : 2 minutes.

Un jeune homme tenant le drapeau du Cameroun. © Sunday Alamba/AP/SIPA
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Je passe la période d’avant, lorsque par un coup de crayon sur un coin de table, en 1885, une main décida que ce serait ça, le Cameroun. Je saute aussi la colonisation allemande, pour me retrouver en 1916, devant les projets français et anglais qui, pour différents qu’ils furent dans la méthode, ne visaient qu’un seul but : fabriquer des êtres serviles qui ne regarderaient que dans la direction de leurs maîtres.

Cameroun pluriel

Et pourtant les Camerounais forment en Afrique un ensemble singulier, fort de près de 250 ethnies pour plus de 20 millions d’habitants, dont aucune composante ne peut se considérer plus autochtone qu’une autre. Ce peuple qui s’est battu pour sa libération les armes à la main connaîtrait donc des velléités de sécession, soixante ans seulement après les retrouvailles heureuses et consenties d’un peuple que l’on avait éclaté en deux malgré lui ?

Les générations qui n’ont pas vécu les luttes d’indépendance ont un besoin d’épopée

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Il y a beaucoup de raisons à cela, qui tiennent presque toutes à la mal-gouvernance. Mais il y a aussi en bonne place une incroyable phobie de l’Histoire et de sa vulgarisation qui a fait que, depuis l’indépendance, on renvoie nos jeunes à des héros d’ailleurs plutôt qu’aux leurs.

Identités communes

Être partis du même point, en 1885, ne garantissait pourtant pas un vécu commun sans heurts. Mais l’unité culturelle du Cameroun n’est pas un mythe. Chaque Camerounais se sent l’héritier d’une histoire singulière, et tous partagent la fierté d’avoir vaincu le colonisateur. Ils se reconnaissent dans des valeurs et dans une culture communes.

Il y a aussi une cuisine camerounaise, une musique camerounaise, un art camerounais et même une manière d’être et de vivre camerounaise. Les Camerounais, anglophones et francophones, ont la conscience d’une communauté de destin. Mais manque à la pâte cette levure qui la ferait lever.

Les générations qui n’ont pas vécu les luttes d’indépendance ou celles de la démocratisation ont un besoin d’épopée. Il leur faut un imaginaire collectif auquel se référer pour transcender les différentes langues officielles qui s’imposent à eux tous les jours.

La promotion d’une culture nationale, doivent être une priorité

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Il faudrait cependant que cette épopée et cet imaginaire soient entretenus dans la conscience de tous les citoyens. La réhabilitation et la diffusion de l’Histoire, en même temps que la promotion d’une culture nationale, doivent être une priorité. Elle peut jouer un rôle éminent dans le renforcement de l’unité du Cameroun, tant il est vrai que, même pour de vieux pays, elle reste toujours un projet à parfaire.

Sentiment patriotique

Tout cela suppose cependant que les gens se fréquentent, sortent de leurs régions et aillent au-devant les uns des autres. À cet égard, l’Université du Cameroun, du temps où elle était unique pour tout le pays, a favorisé ce brassage qui manque aujourd’hui. La diffusion de l’Histoire constitue le pôle à partir duquel peut se renforcer l’unité camerounaise qui tend à tanguer sous les assauts des luttes politiques et politiciennes.

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La conscience de ce roman national ne pourrait que raffermir le sentiment patriotique des Camerounais.

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