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Bombardement de Bouaké : la contre-enquête
C’est une note déclassifiée datant du 17 novembre 2005, soit un an après le bombardement de Bouaké. La Direction générale de la sécurité intérieure française (DGSE) y égrène les scénarios qu’elle croit possibles pour expliquer le drame. La première option, « la méprise », est celle défendue par les acteurs ivoiriens de l’affaire. « L’attaque de la position française résulterait d’une erreur d’appréciation ou d’une “bavure” », écrit la DGSE. Pourtant, une majorité de personnes interrogées dans le cadre de l’enquête estiment qu’il s’agit plutôt d’un acte délibéré. Thèse également prise en compte par la DGSE. Dans ce cas, les services identifient différents commanditaires.
Parmi eux, Laurent Gbagbo, qui « aurait été conseillé par des proches, tels que le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, ou Kadet Bertin Gahié, son conseiller à la sécurité. L’une des motivations aurait été de provoquer une riposte française pour masquer l’échec inéluctable de l’offensive lancée par les Fanci [contre les rebelles] », déclare la DGSE. Mais Gbagbo aurait également pu être manipulé par son entourage. « Cette attaque aurait été provoquée à l’insu du président Gbagbo », affirme encore la DGSE, qui pointe à nouveau du doigt Kadet Bertin Gahié et Mamadou Koulibaly.
La chaîne de commandement dans le viseur
Concernant les donneurs d’ordres, les services de renseignements visent notamment le colonel major Séka Yapo (chef d’état-major de l’armée de l’air en novembre 2004). « Sa motivation aurait été purement financière, puisque l’intéressé était l’un des intermédiaires intervenus dans l’achat des aéronefs. La destruction prévisible des aéronefs impliqués devait conduire au rachat de nouveaux appareils et ainsi lui permettre de bénéficier de nouvelles commissions », poursuit la DGSE.
Autre piste : « Selon d’autres informations, la paternité de l’attaque reviendrait à la chaîne de commandement responsable de cette opération, composée de Kadet Bertin Gahié, du général Philippe Mangou (à l’époque le colonel commandant le théâtre des opérations) et du lieutenant-colonel Nicolas Kuie Gadjai (chef du détachement air de Yamoussoukro) », précisent les services.
En revanche, la DGSE ne parle évidemment pas dans cette note d’une autre hypothèse : celle d’une manipulation de la France, qui aurait fourni de mauvaises coordonnées à la chaîne de commandement ivoirienne afin de justifier un éventuel coup d’État. C’est le scénario défendu par l’avocat des victimes et appuyé par le fait que le bâtiment bombardé avait été « évacué » sans raison apparente et que les pilotes ont, semble-t-il, pu bénéficier d’une certaine bienveillance française afin de ne pas être interrogés.