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Depuis la transition, la fin des privilèges et la lutte contre la corruption sont au cœur des préoccupations de l’exécutif comme des citoyens. Maître mot : vigilance.
La fin de l’année 2016 a fait grincer des dents ceux qui croyaient à des lendemains plus intègres. Il y a d’abord eu, le 10 novembre, la remise aux députés, par le ministre de l’Économie numérique, de 130 tablettes offertes par le groupe chinois Huawei Technologies, auquel a été confiée la construction du réseau de fibre optique depuis la frontière ghanéenne jusqu’à Ouagadougou, un marché de plus de 4,8 milliards de F CFA (7,3 millions d’euros) – financé par la Banque mondiale.
De nombreuses voix se sont élevées au sein de l’hémicycle et de la société civile pour dire que, à raison de 500 000 F CFA l’unité, ce don était contraire à la loi anticorruption votée sous la transition, qui interdit de recevoir un cadeau d’une valeur supérieure à 35 000 F CFA. Face au tollé suscité par cette affaire, le 5 décembre, les parlementaires ont décidé de restituer lesdites tablettes.
Le « plus rien ne sera comme avant » n’est valable que pour les autres ou dans les domaines autres que les avantages matériels
Le 27 du même mois, nouveau scandale lorsque les Burkinabè ont appris que chaque député avait reçu 1 million de F CFA en guise de prime de fin de session. Un avantage inscrit « dans la pratique parlementaire », selon l’Assemblée. Pourtant, à l’instar de nombreuses associations de la société civile, Le Balai citoyen a jugé cette gratification « indécente », dans un contexte marqué par la morosité économique : « Le “plus rien ne sera comme avant” n’est valable que pour les autres ou dans les domaines autres que les avantages matériels », s’est insurgée l’organisation.
Des progrès relatifs
Pourtant, le pays a progressé en matière de gestion des finances publiques, de même qu’en matière de transparence et de lutte contre la corruption. Il s’est d’ailleurs hissé en un an de la 76e à la 72e place sur 176 pays classés dans l’indice 2016 de perception de la corruption publié par Transparency International en janvier. Les résultats coïncident avec le renforcement de l’arsenal juridique, en particulier avec la loi du 3 mars 2015 sur la prévention et la répression de la corruption, l’élargissement des pouvoirs de l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) et la volonté de renforcer l’indépendance de la magistrature.
L’ASCE-LC est notamment chargée de mener les enquêtes sur les cas de corruption et de vérifier les déclarations d’intérêt et de patrimoine des hauts fonctionnaires. Elle dispose désormais du statut de police judiciaire, qui lui donne le droit de dresser des procès-verbaux et de saisir le procureur. « Notre personnel [32 contrôleurs] devrait bientôt doubler, et nous allons recruter de nouveaux enquêteurs, explique Luc Marius Ibriga, le contrôleur général.
Beaucoup d’anciens ministres ont déjà été mis en examen devant la Haute Cour de justice. Nous avons aussi fait l’audit de la transition, à la demande du président, et constaté des manquements qui ont fait l’objet d’un défèrement en justice lorsqu’ils dépassaient 1 million de F CFA. »
Absence de condamnations
Le secrétaire exécutif du Cadre de réflexion et d’action démocratique, Benjamin Sia, ne partage pas cet enthousiasme. S’il salue les progrès réalisés au niveau de l’arsenal législatif, il regrette l’absence de condamnation de certains anciens ministres épinglés pour corruption. « On peut avoir les plus beaux textes de loi, s’il n’y a pas d’application, ça ne sert a rien. Chaque mois, on constate de nouveaux cas, mais la justice n’avance pas », déplore-t-il.
Jusqu’à présent, nos rapports tombaient dans les mains de juges qui devaient gérer des centaines de dossiers, sans ordre de priorité
Si l’ASCE-LC a intensifié les contrôles et les enquêtes, elle n’a en effet pas le pouvoir de sanctionner. Le traitement des affaires devrait cependant bientôt s’accélérer avec l’installation au sein des tribunaux de grande instance de pôles judiciaires spécialisés dans la répression des infractions économiques et financières, dont la création a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 19 janvier.
« Jusqu’à présent, nos rapports tombaient dans les mains de juges qui devaient gérer des centaines de dossiers, sans ordre de priorité. Avec la chaîne spéciale anticorruption, cela va aller plus vite », assure Luc Marius Ibriga.
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