
Paul Kaba Thieba, Premier ministre du Burkina Faso, dans son bureau à Ouagadougou. © Sophie Garcia/ Hans Lucas pour JA
Inconnu lors de sa nomination en janvier 2016, le Premier ministre burkinabé, Paul Kaba Thieba, semble avoir trouvé ses marques au sein de l’exécutif et a marqué des points dans l’opinion publique.
Discrètement mais sûrement, Paul Kaba Thieba imprime sa marque à la tête du gouvernement burkinabè. « L’opposition dit que je suis un “Premier ministre par défaut”, ce n’est pas ce que je constate. Mes relations avec Roch Marc Christian Kaboré comme avec le président de l’Assemblée, Salif Diallo, sont des plus détendues et des plus cordiales, et nous partageons la même vision », répond-il à ses détracteurs qui, il y a un an, pensaient qu’il serait totalement éclipsé par le trio Roch Kaboré-Salif Diallo-Simon Compaoré.
Quasi inconnu à son arrivée, Paul Kaba Thieba était face à un défi difficile à relever. Mais il a réussi à s’adapter tant bien que mal à la situation sociopolitique
L’ancien haut fonctionnaire de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a vite appris la réalité du terrain et, s’il reste réservé, il se pose désormais en chef d’orchestre. « Les coups politiques reçus durant sa première année à la tête du gouvernement l’ont aguerri, commente un habitué du palais de Kosyam. Par son ardeur au travail et son esprit d’écoute, il a su surmonter son manque d’expérience du monde politique et a vite comblé les lacunes qu’il pouvait avoir quant à l’environnement économique. »
Un bourreau de travail
Le président par intérim du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex-parti au pouvoir), Achille Tapsoba, abonde dans le même sens : « Quasi inconnu à son arrivée, Paul Kaba Thieba était face à un défi difficile à relever. Mais il a réussi à s’adapter tant bien que mal à la situation sociopolitique. » « Si on lui donne du temps et s’il est entouré de collaborateurs compétents, pas trop politisés, il pourra donner la mesure de son talent dans le financement et la mise en œuvre du PNDES [Plan national de développement économique et social] », estime un homme d’affaires, rappelant avec insistance que « le Premier ministre a la confiance totale du chef de l’État ».
Sa compétence va se mesurer à l’aune de son aptitude à mobiliser les ressources nécessaires pour exécuter le PNDES. Désormais, on l’attend à mi-parcours, pour voir si les lignes ont bougé
Véritable bourreau de travail, selon ses collaborateurs, Kaba Thiéba aime tout comprendre. Il sait que, pour opérer une transformation structurelle de l’économie, il faudra s’armer de patience et de persévérance. Mais il se dit aussi convaincu de l’urgence qu’il y a à rendre opérationnel le PNDES 2016-2020, dont le coût global est évalué à 15 400 milliards de F CFA (23,5 milliards d’euros). « Ce plan, c’est la chance de transformer le Burkina. J’y pense chaque matin et chaque soir, je réfléchis à la façon de développer des investissements plus porteurs, d’identifier les réformes structurelles indispensables… » confie le Premier ministre.
Après son sans-faute dans l’organisation de la Conférence des partenaires du Burkina Faso pour le financement du PNDES, les 7 et 8 décembre 2016, à Paris, où il a recueilli des promesses d’investissements pour 12,2 milliards d’euros des bailleurs internationaux (soit bien plus que le besoin affiché, de près de 8,5 milliards) et 16 milliards de la part du secteur privé, le chef du gouvernement a sans surprise été reconduit dans ses fonctions lors du remaniement ministériel du 20 février. « Sa compétence va se mesurer à l’aune de son aptitude à mobiliser les ressources nécessaires pour exécuter ce plan. Désormais, on l’attend à mi-parcours, pour voir si les lignes ont bougé », reconnaît l’avocat Guy Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen.
Des défis surtout économiques
Le Premier ministre est aussi attendu sur le front des réformes. Et la liste est longue : remise à plat de la politique fiscale, réduction du déficit énergétique, amélioration du climat des affaires et de la compétitivité du secteur minier, développement de la transformation des produits agricoles, etc. « On ne relance pas une économie qui a autant de lacunes que la nôtre en si peu de temps, dit-il. C’est pourquoi nous nous attaquons aux bases de la reprise. »
Grâce au rebond des productions agricole et minière, la croissance a été plus vigoureuse que prévu en 2016, à 6,2 %, soit 1 point de plus que les prévisions initiales. « Ce n’est pas assez ! Je vise une croissance à deux chiffres », assure Paul Kaba Thieba, qui compte ainsi infléchir durablement la courbe de la pauvreté – laquelle affecte plus de 40 % des Burkinabè. Parmi les premières mesures, la gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans, les femmes enceintes et les personnes indigentes de plus de 65 ans, entrée en vigueur en mai 2016, va en tout cas dans le sens du développement humain.
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