
F.P. Journe, horloger. à Genève, le 13 février 2017. © Fred Merz
Horlogerie parmi les plus emblématiques des rives du lac Léman, la manufacture F.P. Journe fabrique des montres haut de gamme dont la distribution en Afrique est encore confidentielle.
Chez F.P. Journe, les pendules sont toujours à l’heure. À commencer par celle, monumentale, inventée par Constantin-Louis Detouche pour l’exposition universelle de Paris en 1855, qui trône dans le vaste hall d’entrée de la manufacture genevoise. C’est dans ce bâtiment en pierre grise, qui abritait à la fin du XIXe siècle l’usine de fabrication de becs de gaz de la ville, qu’est installée depuis 2000 l’une des marques d’horlogerie les plus prestigieuses de la place.
Alors que c’est le bouche-à-oreille qui, depuis plus de trente ans, assied « à plus de 90 % » la notoriété de la production F.P. Journe, François-Paul, lui, est plutôt du genre taiseux, se laissant le temps de la réflexion entre des mots choisis.
Toujours un temps d’avance
Et débarque, en toute simplicité, en jeans et blouse siglée de ses initiales plutôt qu’en costume cintré. À 59 ans, il n’a que faire des conventions. Le Français n’a d’ailleurs cessé de les contourner pour élever ses montres au firmament de l’horlogerie mondiale, imposant sa griffe face aux grandes manufactures suisses, dont il s’est vite démarqué. « Incompris » à ses débuts par l’industrie, il a vite conquis sa clientèle grâce à des modèles – estimés à 60 000 euros en moyenne – alliant à la perfection élégance et innovation technologique, le tout poinçonné : or rose 18 carats.
Il n’y a pas de mauvais jeu de mots à dire que F.P. Journe a toujours un temps d’avance sur ses concurrents. Sa signature est reproduite à 900 exemplaires chaque année sur des modèles, comme aime à le rappeler le maître horloger, « 100 % made in Geneva » – à l’exception toutefois des cadrans saphir et des aiguilles.
Quelques clients africains
Invenit et Fecit [« inventé et fait », en latin], indique l’inscription sur la porte en verre qui semble séparer le reste de l’univers du lieu où sont créées ces merveilles de précision. Un monde du silence et de l’exigence, au parfum d’acétone et aux murs habillés de la même loupe blonde de bouleau que les écrins qui renferment les pièces rares et d’art remises aux amateurs éclairés et fortunés.
Les meilleurs clients africains sont nigérians et ivoiriens.
Arborer une F.P. Journe, c’est entrer dans un club restreint qui compterait « quelques clients africains », murmure, sans en dire plus, Brigitte Bocquet-Makhzani, directrice de la communication. Il y a bien eu « deux ou trois demandes ces dernières années, notamment depuis le Nigeria, pour qu’un détaillant puisse voir le jour sur le continent ». Mais sans succès jusqu’à présent.

Manufacture F.P. Journe à Genève, en février 2017 © Fred Merz
Maître Journe évite également le name dropping. Tout juste se souvient-il du président Bongo, « le père », achetant sa montre-bracelet auprès du détaillant de la marque place Vendôme, à Paris.
Un marché encore confidentiel
Aujourd’hui, les meilleurs clients africains sont « nigérians et ivoiriens ». Le marché est aussi confidentiel que l’identité des acheteurs. Les ventes ont beau y connaître une hausse de 20 % par an, l’Afrique ne représente encore que 2 % des exportations horlogères suisses, loin derrière l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord, selon la Fondation de la haute horlogerie (FHH).
« L’Asie et plus encore les États-Unis concentrent la majeure partie de notre clientèle », précise Brigitte Bocquet-Makhzani. Sept des onze boutiques que compte aujourd’hui la marque à travers le monde sont installées dans ces deux zones. Et à peine rentré de Singapour, François-Paul Journe s’apprête à redécoller pour rencontrer quelques-uns de ces collectionneurs américains qui, plutôt que de porter leur rêve en bandoulière, préfèrent l’afficher à leur poignet.
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