
© maAanic/Flickr
L’économie de la Confédération helvétique vit un rude paradoxe. D’un côté, sa santé est éclatante : grâce à la compétitivité de son industrie pharmaceutique, de son horlogerie, de son négoce des matières premières et de ses services financiers, les réserves en devises de la Banque nationale suisse (BNS) équivalent au produit intérieur brut de la Suisse. Qui dit mieux ?
D’un autre côté, le franc suisse est trop fort et pénalise les autres secteurs. La fin du secret bancaire réduit inexorablement l’attractivité des établissements bancaires locaux et les pousse à comprimer leurs effectifs et à geler les salaires. Le taux de croissance annoncé pour 2017 pourrait atteindre 1,5 %. Comme en 2016. Ce n’est pas vraiment la franche reprise qui permettrait d’effacer les années de crise et de stagnation vécues depuis 2009.
En Suisse, les immigrés contribuent pour un quart à la croissance de la consommation.
Autre menace : la Suisse n’a pas assez d’immigrés, ce qui va à rebours du sens commun helvétique. Les experts du Crédit suisse ont élaboré cinq scénarios d’immigration, et, dans tous les cas, la croissance de la population active sera au point mort en 2020 parce que les arrivées d’immigrés diminuent. Or ceux-ci contribuent pour un quart à la croissance de la consommation, et la croissance du pays s’en trouvera affectée.
Grandes organisations menacées
Ajoutez à ces nuages noirs le fait que le protectionnisme attendu de l’« America First » de Donald Trump et du Brexit de Theresa May n’annonce rien de bon pour l’économie mondiale. Très hostile au multilatéralisme, le président américain ne risque-t-il pas de mettre à mal un des piliers de la mondialisation qui a son siège à Genève, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ?
Sans parler de l’ONU, qui a un office sur place, et de la pléiade d’organisations internationales qui ont fleuri sur les bords du lac Léman et qui pourraient souffrir du retour du chacun pour soi nationaliste : Organisation internationale du travail, Organisation mondiale de la santé, Union internationale des télécommunications, etc.
Les poussées populistes du Front national en France, de l’AfD en Allemagne ou du Parti de la liberté aux Pays-Bas confirment le regain des réflexes identitaires sur le Vieux Continent aussi, ce qui n’est pas de bon augure pour une nation dévouée au libre-échange commercial et financier.
Cap sur l’Afrique ?
Que faire à court terme ? Chercher à faire baisser le franc ? Les États-Unis, qui ont déjà placé la Suisse dans leur liste des pays soupçonnés de manipuler leur monnaie, pourraient prendre des mesures de rétorsion sous l’impulsion de leur fougueux président. Réformer la fiscalité des entreprises, comme le demande la communauté internationale ? Les Suisses viennent de dire « non » par référendum. Revenir sur les mesures anti-migratoires adoptées en 2014 ? Aléatoire.
Peut-être le salut consisterait-il à mettre plus vigoureusement le cap sur l’Afrique. Ce continent longtemps à l’écart des échanges commerciaux internationaux – dans lesquels il ne pèse que 3 % ou 4 % – est en train de revenir dans le jeu mondial, et pas seulement grâce à ses matières premières. Il offre d’énormes opportunités tant ses besoins sont grands en matière de santé, de finances, de tourisme, de trading, d’industries agro-alimentaires ou de services aux entreprises, domaines dans lesquels la Suisse excelle.
En attendant ce nouvel élan, la Confédération est condamnée à faire le gros dos. Tout au plus peut-on avancer aujourd’hui que le Brexit y aura des effets limités… En 2017, que son franc demeurera fort, que ses salaires ne progresseront guère, que son taux d’inflation redeviendra positif et que ses exportations continueront à prospérer.
Pauvre petite Suisse, riche et inquiète !
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