
Madeleine Alingué. © Abdoulaye Barry pour JA
Ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement tchadien, Madeleine Alingué a la délicate mission d’expliquer les choix de l’exécutif et de piloter la refonte de l’audiovisuel public.
Pas facile d’être porte-parole du gouvernement en pleine crise financière, lorsqu’il faut annoncer et expliquer les décisions impopulaires prises par l’exécutif. « Elle est un parfait fusible ! » dit d’elle un député. Mais face à l’adversité, Madeleine Alingué pense tout simplement aux conseils de son illustre père, Jean Alingué Bawoyeu, qui fut le premier Premier ministre d’Idriss Déby Itno (de mars 1991 à mai 1992) : « Travail, abnégation, service de l’État. » « Madeleine », elle, est la première femme dans l’histoire politique du Tchad à qui le rôle de porte-parole du gouvernement a été confié, charge qui lui échoit depuis qu’elle a été nommée, le 14 août, ministre de la Communication.
Privilégiée optimiste
À 51 ans, cette pieuse protestante dévoreuse de livres d’histoire, admiratrice de Cheikh Anta Diop et du président panafricaniste ghanéen Kwame Nkrumah, a pris l’habitude de relativiser. « Je suis une adepte du “Yes we can” de Barack Obama, confie-t-elle. L’énergie positive, l’espoir, c’est fondamental en politique. » Une énergie positive que la dynamique et quadrilingue quinqua cultive aussi à travers ses allers-retours entre le Tchad, où elle passe le plus clair de son temps, la Colombie, où vit son mari, et New York, où étudient ses deux enfants.
Née le 11 septembre 1965 dans un milieu à la fois privilégié et cultivé, Madeleine Alingué a grandi dans les quartiers huppés de « Fort-Lamy », comme elle dit, utilisant à dessein le nom originel de la capitale tchadienne. « Mon père est issu de la génération des indépendances, il a participé à la construction de l’État, c’est un homme d’action, très respectueux des hiérarchies, rappelle-t-elle. La première fois que je suis allée à l’école, j’avais tellement peur que je suis tombée et me suis cassé une dent. »
Elle avoue avoir aujourd’hui encore une certaine appréhension lorsqu’il lui faut affronter les questions de la presse, des députés ou des ministres. « C’est un monde encore un peu macho… Mais je suis là justement pour faire évoluer les choses, car je suis à la fois une grande rêveuse et une battante. » Son parcours le prouve.
Conscience africaine et amour pour la patrie
Après un bac littéraire décroché à l’âge de 17 ans, elle se lance dans des études de lettres à Paris, obtient une licence d’anglais, une autre de chinois et, en 1989, décide de parfaire son cursus universitaire à Pékin. « C’était juste au moment des événements de Tian’anmen, il y avait l’espoir d’un monde meilleur, c’était très exaltant. » Elle y rencontre son mari, Hector, un Colombien qu’elle suit quelques années plus tard à Bogota, où elle devient professeur en relations internationales à l’Universidad Externado de Colombia. « C’est là que j’ai pris conscience de la force de mes racines africaines, explique-t-elle. À travers ces hommes et ces femmes issus de l’afro-descendance. En fait, en Amérique latine, je me suis libérée du vieux complexe colonial. » Elle anime alors une émission consacrée à la diaspora sur la radio universitaire. Mais, les années passant, son pays lui manque.
Elle rentre à N’Djamena en 2010, seule, avec la ferme intention de se rendre utile, se fait embaucher par l’Office des migrations internationales (OIM) avec la délicate mission d’assurer le retour de plus de 120 000 Tchadiens qui avaient fui les combats en Libye. En parallèle, elle anime à nouveau une émission consacrée la diaspora, cette fois-ci sur Radio Tchad, la radio nationale. Le palais la remarque. En 2014, elle est nommée secrétaire d’État aux Affaires étrangères, puis, en 2015, « conseiller-expert » de la mission permanente du Tchad auprès du Conseil de sécurité des Nations unies, à New York.
« Mon rêve de diversité était comblé, j’étais entourée de gens du monde entier, très compétents et ouverts. C’est peut-être là que j’ai appris à régler les conflits ! » assure celle qui fut aussi la directrice adjointe du cabinet du chef de l’État, début 2016, avant d’être nommée aux Affaires étrangères dans le premier gouvernement Padacké, mi-février.
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