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Vue d’Alger. © Omar Sefouane pour Jeune Afrique

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L’Algérie à l’heure africaine

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Algérie et Afrique ont besoin l’une de l’autre

Évidemment, les mauvaises langues n’y voient qu’une réponse à l’énergique politique marocaine à destination de l’Afrique subsaharienne.

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Mis à jour le 7 décembre 2016 à 17:27
Marwane Ben Yahmed

Par Marwane Ben Yahmed

Directeur de publication de Jeune Afrique.

Vue du port d’Alger, où 701 kilogrammes de cocaïne ont été saisis en mai dernier. © USARAF/CC/Flickr

La réponse du berger à la bergère pour contrecarrer la volonté du royaume chérifien de réintégrer l’Union africaine (UA), si possible en éjectant la République arabe sahraouie démocratique (RASD), dont Alger est le fidèle allié. De fait, l’organisation, du 3 au 5 décembre, par le gouvernement et le patronat algérien du premier Forum africain d’investissements et d’affaires au flambant neuf Centre international des conférences Abdelatif-Rahal, dans la capitale, interroge.

Nul besoin cependant de chercher les motivations de cette réorientation économique dans le trop long et vain bras de fer entre Alger et Rabat. Elles sont bien plus logiques et pragmatiques : l’Algérie, qui doit impérativement diversifier son économie, cherche de nouveaux marchés et de nouveaux partenaires. Et l’Afrique subsaharienne, en la matière, est une évidence, comme elle l’est pour la Tunisie voisine, qui vient tout juste de mettre en œuvre le même choix de « diplomatie économique ».

Entre l’Algérie et l’Afrique les liens demeurent étroits

À vrai dire, le plus étonnant réside plutôt dans le fait qu’« El Djazaïr » ne s’y soit pas mis plus tôt. Tout, ou presque, y concourait : l’Histoire, la géopolitique, la raison, l’appétence de nombreux dirigeants algériens pour le sud du Sahara, au premier rang desquels le chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika – dont le nom de guerre durant la lutte pour l’indépendance était « Abdelkader el-Mali » –, ou son actuel directeur de cabinet et ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ancien patron du département Afrique du ministère des Affaires étrangères, puis « Monsieur Afrique » au sein du gouvernement, au début des années 1990.

Entre l’Algérie et l’Afrique, même si cela étonne peut-être aujourd’hui les plus jeunes, les liens sont étroits, anciens et indéfectibles. La guerre de libération (1954-1962), qui lança tant de vocations indépendantistes sur le continent, l’implication majeure d’Alger dans la résolution de conflits et le maintien de la paix, sans oublier l’épopée tiers-mondiste des années 1960 et 1970 ni la pléthore de futurs cadres subsahariens qui passèrent sur les bancs des facultés et des écoles algériennes, en sont les illustrations les plus connues.

Le reste est affaire de raison : l’Algérie, qui ne peut repousser davantage son ouverture économique au reste du monde, a besoin de l’Afrique. L’inverse est tout aussi vrai : dans bien des domaines, les compétences et les moyens dont dispose le plus grand pays du continent complètent les besoins exprimés, de Bamako au Cap. Énergie, évidemment, mais aussi agroalimentaire, industrie pharmaceutique – et, plus largement, santé –, BTP, infrastructures, services, informatique : dans tous ces domaines, les entreprises publiques et privées algériennes sont, contrairement aux clichés souvent véhiculés, compétitives.

Le « retour » de l’Algérie en Afrique subsaharienne n’a donc rien d’une lubie ou d’un oukase édicté en haut lieu par pur cynisme ou calcul bassement diplomatique. C’est un simple retour à la normale, à une relation qui n’aurait jamais dû être mise entre parenthèses. Dans l’intérêt de tous.