Scénarios : que se passera-t-il en Afrique d’ici 2050 si le réchauffement climatique dépasse 2°C ?

Les experts l’assurent : si rien n’est fait, une série de catastrophes nous attend. Pour prendre la mesure des risques, JA voyage dans le temps…

Dans le Désert de Namibie. © Globe Trotting/ Flickr creative commons

Dans le Désert de Namibie. © Globe Trotting/ Flickr creative commons

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 18 novembre 2016 Lecture : 5 minutes.

Maroc, assoiffé

Malgré la mise en place de son Plan national de l’eau, Rabat en consomme plus qu’il n’en produit. L’expansion de l’agriculture, l’industrialisation et l’augmentation exponentielle de la consommation des ménages due à la hausse logique de leur niveau de vie a fait chuter de 80 % les réserves d’eau du Royaume. Pour pallier le problème, il a dû construire plusieurs dizaines de centrales de dessalement. Énergivores, ces usines sont alimentées par l’énergie solaire, devenue depuis longtemps la première source d’énergie du pays.

Maroc-ONU-Climat © ABDELHAK SENNA / AFP PHOTO / Abdelhak SENNA

Maroc-ONU-Climat © ABDELHAK SENNA / AFP PHOTO / Abdelhak SENNA

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Sénégal, montée des eaux

La Porte du troisième millénaire, ce monument d’art contemporain érigé sur la corniche de Dakar en 2001, a les pieds dans l’eau. Tout le bord de mer, rénové et modernisé en 2008 par l’ancien président Abdoulaye Wade, à l’occasion de la XI session de la Conférence au sommet de l’Organisation de la conférence islamique, a disparu. Les hôtels de luxe et le premier mall du pays, le Sea Plaza, ont dû fermer. La Banque mondiale et le gouvernement sénégalais, dans une étude publiée en 2013, avaient vu juste.

Les nombreux prélèvements de sable pour la construction, la disparition de la mangrove ou encore l’urbanisation du haut des plages ont accentué la montée des eaux, liée notamment au réchauffement de la planète. Le pays a dû consacrer des sommes colossales à construire des digues sur les zones les plus touchées, comme autour de la langue de Barbarie, sur laquelle a été construite la célèbre ville de Saint Louis.

Sahel, guerre des terres

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L’ampleur des crises vécues par la région sahélienne dans les deux premières décennies du XXI siècle, mise sur le compte de la radicalisation islamique, avaient fini par cacher une autre réalité : l’amorce d’une véritable guerre des terres. Poussés vers le sud par la sécheresse, pressés par l’accroissement des terres cultivées, victimes d’une intolérance grandissante quant à leur mode de vie, les éleveurs nomades, quand ils ne rejoignent pas les rangs des djihadistes, s’arment et n’hésitent plus à tirer sur les agriculteurs qui les menacent du même sort s’ils empiètent sur leurs champs.

Du Mali à la Centrafrique en passant par le Nigeria et tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, les affrontements ont déjà fait plusieurs milliers de morts, dont un grand nombre de civils, cibles d’attaques pour leur simple appartenance ethnique supposée.

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Côte d’Ivoire, vagues d’épidémies

Le Document de stratégie du Programme national changement climatique, publié par la Direction générale de l’environnement en septembre 2014, avait pointé du doigt ce risque. Avec la hausse des températures, l’harmattan, ce vent chaud et sec en provenance du nord-est qui autrefois ne dépassait pas le 10 parallèle (extrême-nord du pays), atteint désormais les côtes. Avec lui sont apparues des épidémies de méningite à méningocoques (dont 10 % des cas sont mortels) sur tout le territoire. Abidjan doit par ailleurs faire face à la raréfaction de l’eau, entraînant une multiplication des cas de choléra.

Sante. Epidemie de virus Ebola. Unite de traitement de Bong County pres de Gbarnga © WEST AFRICA EBOLA VIRUS OUTBREAKT HEALTH TREATMENT MEDICAL AID HOSPITAL EPIDEMIC VOLUNTEERS UNITED STATES

Sante. Epidemie de virus Ebola. Unite de traitement de Bong County pres de Gbarnga © WEST AFRICA EBOLA VIRUS OUTBREAKT HEALTH TREATMENT MEDICAL AID HOSPITAL EPIDEMIC VOLUNTEERS UNITED STATES

Nigeria, mer de brut

Le monde consomme 14 millions de barils de pétrole brut de plus qu’il y a trente ans. Pour satisfaire la demande, l’Afrique a mis les bouchées doubles, et en premier lieu le Nigeria, plus gros producteur du continent. Les actes de siphonage sur les oléoducs, par les militants du delta du fleuve Niger, ont repris de plus belle, après l’annulation par Muhammadu Buhari de l’amnistie mise en place dans les années 2000 par Goodluck Jonathan, basée sur un revenu en échange de la protection de ces infrastructures. Le pays Ogoni, abandonné depuis toujours par le pouvoir central et où le chômage caracole à près de 30 %, n’est plus qu’une mer noire et visqueuse, dépourvue de toute vie aquatique et humaine.

nigeria © PIUS UTOMI / AFP

nigeria © PIUS UTOMI / AFP

Égypte, péril sur le delta du Nil

Déjà en 2014, Saeed, jeune agriculteur, était inquiet pour son champ de trèfles. Situé à 400 mètres de la côte, dans le delta du Nil, il se mourrait. Aujourd’hui, il n’est plus qu’un lointain souvenir : la mer a recouvert 8 000 km – soit les deux tiers – de cette vaste étendue jadis fertile. La région la plus riche du pays, peuplée autrefois de 40 millions d’Égyptiens, est désormais quasi stérile.

Cop22 Egypte © Khaled desouki/AFP

Cop22 Egypte © Khaled desouki/AFP

Tanzanie, une forêt autour du volcan

Les vastes étendues de pâturage au pied du volcan fumant Ol Doinyo Lengaï, montagne sacrée des Masaï, n’est plus qu’un lointain souvenir. La concentration de CO dans l’atmosphère couplée à une augmentation des précipitations de 20 % ont fait naître une forêt haute et dense, forçant les buffles typiques de cette région du nord de la Tanzanie à migrer.

En Afrique du Sud, ou le même phénomène a été observé, les botanistes ont remarqué l’extinction de 25 % des espèces végétales caractéristiques de cet écosystème, donnant crédit au scénario établi en 2005 par le géographe Colin J. McClean, selon lequel 40 % d’entre elles pourraient avoir disparues de ces zones d’ici 2085.

Seychelles, englouties

L’Alliance des petits États insulaires avait tiré la sonnette d’alarme en 2015 à Paris, lors de la COP21 : il était urgent de prendre les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, où la plupart des petites îles allaient disparaître d’ici 2100 face à la montée inexorable de l’océan d’un à deux mètres en moyenne. L’appel a été relayé mais les actes n’ont pas suivi.

Trente-cinq ans plus tard, la plupart des îles coralliennes qui constituaient les Seychelles ont été vidées de leurs habitants. Pour faire face à l’afflux de ces réfugiés climatiques, l’État a lancé la construction d’ilots artificiels, sur le modèle de l’îlot de Persévérance, sortie de l’eau dans les années 2000, à la périphérie de la capitale Victoria, et qui accueille plus de 2 000 Seychellois.

SEYCHELLES-UN-CLIMATE-WARMING © Roberto SCHMIDT / AFP

SEYCHELLES-UN-CLIMATE-WARMING © Roberto SCHMIDT / AFP

Mozambique, révolte de la faim

En 2010, il avait suffi de quelques degrés au dessus des moyennes saisonnières, provoquant une hausse de 30 % du prix du pain sur les étals de Maputo pour que le pays s’embrase. Les « émeutes de la faim » avaient provoqué la mort d’une douzaine de personnes. Depuis, les températures ont durablement augmenté de 2°C, la production mondiale de blé a chuté de 30 %, provoquant une hausse des prix des denrées dans toute l’Afrique de l’Est. Banques et magasins pillés, voitures calcinées et barricades dressées… Á Maputo, l’insurrection est totale.

COP 22 MOZAMBIQUE © SERGIO COSTA / AFP

COP 22 MOZAMBIQUE © SERGIO COSTA / AFP

Lac Tanganyika, extinction des poissons

Il est loin le temps où le lac Tanganyika, le plus vieux d’Afrique et l’un des plus profonds, fournissait 200 000 tonnes de poissons par an et 60 % des protéines aux habitants de la région. Les ndagalas, petites sardines qui y étaient endémiques, ont presque totalement disparus. Dès 2016, le scientifique américain Andrew S. Cohen avait observé le phénomène dans son étude Le changement climatique réduit la production de poisson et l’habitat benthique dans le lac Tanganyika, l’un des écosystèmes d’eau douce les plus biodiversifiées.

Alors qu’on attribuait jusque là une baisse de la population aquatique à la surpêche, il démontrait clairement que le réchauffement du lac en était tout aussi responsable, notant en particulier une baisse des espèces présentes de 38 % depuis les années 1940.

Tanganyka_Par8127162 © FEDERICO SCOPPA / AFP

Tanganyka_Par8127162 © FEDERICO SCOPPA / AFP

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