Musique : AfrotroniX, la bande-son de l’Afrique 2.0

Aux manettes d’un projet délirant fusionnant électro, rythmes africains et design futuriste, le musicien tchadien Caleb Rimtobaye veut rendre les Africains maîtres de leur destin.

AfrotroniX, un concept made in N’Djamena. © Daniel Grozdanov/productions sia

AfrotroniX, un concept made in N’Djamena. © Daniel Grozdanov/productions sia

leo_pajon

Publié le 2 novembre 2016 Lecture : 2 minutes.

Série photographique d’anticipation The Prophecy, réalisée en 2015 par le Belgo-Béninois Fabrice Monteiro. © fabrice monteiro
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Afrofuturisme, quand l’art imagine le futur

Conceptualisé dans les années 1990 aux Etats-Unis, l’afrofuturisme est un concept dans l’air du temps. Mais que signifie-t-il ? Le continent est-il devenu une terre féconde pour la science-fiction ? L’utopie a-t-elle de beaux jours devant elle ? Jetons un coup d’œil vers le futur.

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La première fois que je suis sorti dans la rue avec mon casque pour tourner un clip, j’étais un peu mal à l’aise », avoue Caleb Rimtobaye. Le musicien a lui-même dessiné son costume, une combinaison tout droit sortie de la saga Star Wars, et surtout son improbable couvre-chef, à mi-chemin entre une boîte crânienne d’alien et un ventilateur. Il fallait au moins cet accoutrement pour défendre un projet musical visionnaire qu’il définit lui-même comme « afrofuturiste ». Son concept « AfrotroniX », qu’il a commencé à développer sérieusement en 2014, est un mélange musical détonnant, mais pas seulement.

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« Lorsque j’ai quitté N’Djamena, au Tchad, pour vivre à Montréal, en 2001, j’ai d’abord œuvré au sein de mon groupe folk H’sao, dont j’étais le chef d’orchestre, explique le trentenaire. Mais sur les scènes canadiennes, et occidentales en général, j’étais lassé de voir que la world music diffusait une image biaisée de l’Afrique et ringardisait le continent. Je voulais m’éloigner radicalement des spectacles avec tam-tams et boubous ! » Le musicien travaillait depuis longtemps avec des machines, élaborant notamment des beats hip-hop pour ses confrères rappeurs. Profitant du multiculturalisme montréalais, il poursuit dans cette veine, en mêlant au saï du Tchad (musique des danses traditionnelles) des sonorités électroniques, un zeste de musique mandingue, de dubstep… ajoutant ici et là des voix de vieilles femmes africaines ou des notes de blues saharien.

Nous pouvons nous-mêmes, Africains, dessiner notre avenir

C’est donc paradoxalement en s’appuyant sur les sons du passé et un genre typiquement occidental, l’électro, que ce savant fou a inventé la musique noire de demain. Avant même d’avoir sorti un album, les quelques titres qu’il a déjà mis en ligne (notamment son tube « Petit Pays ») ont été visionnés près d’une centaine de milliers de fois. Il est courtisé par les festivals européens, africains, et même par le producteur de Rihanna.

« Mais signer avec lui me condamnerait à faire de la musique mainstream, je ne pense pas accepter », signale cette forte tête, qui, de concert en concert, souhaite avant tout délivrer un message. « Nous pouvons nous-mêmes, Africains, dessiner notre avenir. Depuis la colonisation, nous laissons les grandes puissances nous dire qui nous sommes. Cela doit cesser. Et moi je ne crois pas que l’Afrique, demain, sera celle, apocalyptique, présentée dans les superproductions de Hollywood. Je vois un continent qui va dépasser le racisme, positiver, miser sur la haute technologie, une esthétique épurée… » Pas sûr que son casque fasse fureur en 2030, mais la musique et le message de Caleb Rimtobaye ont déjà plusieurs longueurs d’avance.

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