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Kemi Adeosun à la chasse aux deniers pour le Nigeria

À 48 ans, cette experte-comptable est bombardée ministre des Finances de la première économie d’Afrique. La tâche est immense, tant la chute des prix de l’or noir secoue le pays.

Née à Londres, Kemi Adeosun, la nouvelle ministre des Finances du Nigeria, a notamment travaillé chez PwC avant de rejoindre le continent, en 2002. © Afolabi Sotunde/Reuters

Née à Londres, Kemi Adeosun, la nouvelle ministre des Finances du Nigeria, a notamment travaillé chez PwC avant de rejoindre le continent, en 2002. © Afolabi Sotunde/Reuters

Publié le 2 décembre 2015 Lecture : 5 minutes.

Elle n’a pas la même aura internationale. Et elle a sans doute moins d’expérience. Mais c’est elle, Kemi Adeosun, 48 ans, qui succède à l’ancienne directrice générale de la Banque mondiale, Ngozi Okonjo-Iweala, à la tête du ministère des Finances du Nigeria. Dans certains milieux, sa nomination suscite le scepticisme, d’aucuns doutant de sa capacité à tenir les cordons de la bourse de la plus grande économie du continent. Surtout à l’heure où celle-ci, première exportatrice de pétrole d’Afrique, est malmenée par l’effondrement des cours de l’or noir, dont elle tire pas moins de 70 % de ses recettes budgétaires.

Le CV de Kemi Adeosun est pourtant solide. Née à Londres, où elle a étudié la comptabilité, elle y travaille dans les télécommunications et le conseil, notamment chez PwC, avant de rentrer au Nigeria en 2002. Recrutée comme contrôleur financier par le capital-investisseur Denham Management, elle deviendra directrice générale de Chapel Hill Denham, l’une des banques d’investissement les plus en vue de Lagos, née de la fusion entre Denham Management et la banque Chapel Hill.

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Une société qu’elle quitte en 2010 pour devenir commissaire aux Finances de l’État d’Ogun (dirigé par l’Action Congress of Nigeria, aujourd’hui inclus dans la majorité présidentielle). Ce poste lui a conféré une expertise dans la gestion des comptes publics. Son travail y a d’ailleurs été salué. « Ses bons résultats dans cet État lui servent d’arguments solides, estime Razia Khan, économiste en chef à Standard Chartered. Bien sûr, au niveau fédéral, les défis sont décuplés et elle devra certainement prendre des décisions bien plus difficiles que tous ses prédécesseurs depuis la transition démocratique au Nigeria, en 1999. Chacune de ses actions portant sur les réformes les plus attendues sera scrutée à la loupe. »

Un rôle centré sur les recettes

Mais Kemi Adeosun n’est pas Ngozi Okonjo-Iweala. « Son autorité est moins grande, c’est certain, et son ministère plus petit. Les gens n’attendent donc pas la même chose d’elle », note Gregory Kronsten, économiste en chef de la banque nigériane FBN Capital.

Le portefeuille de la nouvelle ministre se limite aux finances et ne comprend pas la planification économique, un rôle important au Nigeria. Ce maroquin, dont Ngozi Okonjo-Iweala était également chargée, a été attribué au sénateur Udoma Udo Udoma qui, selon l’analyste de FBN, possède une « solide expérience ». C’est aussi à cet avocat d’affaires formé à Oxford, et qui a notamment assumé de hautes responsabilités chez Union Bank of Nigeria et Unilever, que Muhammadu Buhari a confié le Budget. Objectif du président nigérian (qui a mis près de six mois pour nommer son gouvernement) : séparer nettement la gestion des recettes de celle des dépenses.

Dans son viseur par exemple, les multiples agences fédérales qui sous-estiment leurs revenus.

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Le rôle de Kemi Adeosun sera donc centré sur les recettes. Et devrait commencer par une collecte plus rigoureuse des impôts et taxes, dans un pays connu pour le niveau extrêmement élevé de sa corruption. Un travail de fourmi, qui n’effraie pas l’intéressée. « Au Nigeria, nous nous concentrons toujours sur les enjeux macro-économiques. Nous ne faisons pas attention aux microsujets. C’est désormais mon travail », a-t-elle déclaré mi-novembre au Financial Times, précisant avoir déjà commencé à « se plonger dans les dossiers » avec ses équipes. Dans son viseur par exemple, les multiples agences fédérales qui sous-estiment leurs revenus.

Alors que l’État fédéral compte réaliser d’importantes dépenses dans les infrastructures ou dans la lutte contre Boko Haram, la ministre doit trouver le moyen d’augmenter ses recettes. Or, de l’avis des experts, le cours du brut restera durablement bas. « Oublions le pétrole, enjoint la ministre. À cause du pétrole, nous avons négligé tout le reste. » Certes, arrêter les « fuites » d’or noir (pertes de revenus liées à des vols ou à une mauvaise gestion) peut contribuer à renflouer rapidement les caisses de l’État, mais c’est le président lui-même qui devrait lutter sur ce front, en tant que ministre du Pétrole.

D’après les chiffres de l’AFD, les recettes fiscales hors pétrole du pays sont parmi les plus basses du monde.

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C’est précisément sur le terrain des recettes non pétrolières qu’elle est attendue. Il faut dire que dans ce domaine, le Nigeria ne brille guère. D’après les chiffres de l’Agence française de développement (AFD), les recettes fiscales hors pétrole du pays sont parmi les plus basses du monde : en moyenne, 2,4 % du PIB, contre 10 % à 15 % pour la plupart des producteurs. « Si elle y parvient, le challenge sera bien plus que réussi », estime Gregory Kronsten, qui cite comme piste possible la suppression d’exemptions fiscales accordées à certaines entreprises, « parfois totalement illégitimes et dont les montants sont énormes ».

Ses autres axes de travail

Autre filon que pourrait exploiter la nouvelle ministre des Finances, la consommation de la classe moyenne émergente, qui compterait plus de 20 millions de personnes (sur une population de 178,7 millions d’habitants). En avril, lors d’une conférence à Washington, Ngozi Okonjo-Iweala plaidait par exemple pour une revalorisation de la TVA, actuellement fixée à 5 % : « Nous avons la plus faible TVA au monde. Elle peut être doublée. Cela permettrait d’ajouter environ 3 milliards de dollars au profil des recettes. »

Au-delà des questions fiscales, Kemi Adeosun est aussi appelée à se positionner sur des sujets comme la politique monétaire de la Banque centrale du Nigeria (CBN). Lors de son audition au Sénat, elle a inquiété certains investisseurs, étrangers notamment, qui voudraient voir l’économie nigériane se libéraliser davantage. Ce jour-là, la ministre a soutenu les mesures de contrôle des changes (limitation des importations) prises quelques mois plus tôt par la CBN pour défendre ses réserves de dollars, qui ont fondu à environ 4,5 mois d’importations, contre 10 mois début 2014.

Le président Buhari lui-même se montre moins favorable à la libéralisation qu’à la promotion d’un État fort.

Elle estimait aussi qu’avoir évité une nouvelle dévaluation du naira (il s’échangeait le mois dernier avec une décote de 10 % par rapport au taux officiel de 200 nairas pour 1 dollar) avait accordé une « respiration » à l’économie. Mais le président Buhari lui-même se montre moins favorable à la libéralisation qu’à la promotion d’un État fort. Jusqu’ici, Kemi Adeosun ne fait que s’inscrire dans les pas du chef.

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