Dans ce dossier
Les pionniers de la photographie africaine
Depuis 2008, le photographe ivoirien Ananias Léki Dago s’est assigné une mission : restaurer les quelque 30 000 négatifs, abîmés par l’humidité et la négligence, que lui a confiés son compatriote Paul Kodjo. Un projet qu’il mène à bien avec le soutien du Goethe Institut d’Abidjan et qu’il doit présenter lors des Rencontres de Bamako.
Paul Kodjo, c’est l’âge d’or de la Perle des lagunes, les années fastes du « miracle ivoirien », où le cacao nourrit un pays fraîchement indépendant. Muni d’une carte de presse, il a accès à la présidence, est de tous les dîners mondains, suit Félix Houphouët-Boigny dans ses déplacements à travers le pays mais aussi en Europe… Formé auprès de Nigérians installés à Abidjan, avant de se perfectionner en France, Paul Kodjo est un esthète. « Je vis à travers la photographie, j’écris avec la lumière », rapporte-t-il à Ananias Léki Dago, qui a entrepris un documentaire sur celui qui est né en 1939 à Abidjan et qui a consacré toute sa vie à la photographie avant de se retirer dans sa ferme à Sowodadzem, au Ghana.
Romans-photos
« Contrairement à des photographes comme Seydou Keïta ou Malick Sidibé, qui étaient des artisans pratiquant une photographie utilitaire et que l’on a fait artistes plus tard, Paul Kodjo se définissait lui-même comme artiste. Il a exposé en tant que tel dans les années 1960 à Paris, où il avait acquis une petite notoriété », explique Ananias Léki Dago. Paul Kodjo, correspondant pour Fraternité Matin, avait été l’un des rares photographes africains à couvrir Mai-68, avant d’ouvrir un studio dans la capitale française et d’immortaliser des chanteurs de passage, comme Barry White ou Manu Dibango. « Ses portraits témoignent d’une approche singulière, même lorsqu’il s’agit de ceux conçus pour les romans-photos publiés dans Ivoire Dimanche à son retour au pays, dans les années 1970. Il y a là une sensibilité à la lumière remarquable », confie Ananias Léki Dago.