Présidentielle au Niger : en rangs serrés contre Issoufou

Réunis depuis la mi-août au sein du Front patriotique républicain, les détracteurs du chef de l’État visent l’alternance en 2016. Et semblent prêts à oublier leurs différends.

Hama Amadou avait soutenu, contre toute attente, le candidat Issoufou au second tour de la présidentielle en 2011 © Boureima Hama/AFP

Hama Amadou avait soutenu, contre toute attente, le candidat Issoufou au second tour de la présidentielle en 2011 © Boureima Hama/AFP

Clarisse

Publié le 22 octobre 2015 Lecture : 4 minutes.

Le Niger entre deux fronts à la veille de l’élection présidentielle © Mediacolors/Andia.fr
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Le Niger entre deux fronts

Malgré les turbulences qui affectent la région et les menaces terroristes qui planent au nord comme au sud, le pays est en paix. Et Mahamadou Issoufou a eu les coudées franches pour tenter de répondre aux attentes de ses concitoyens. À quatre mois de la présidentielle et des législatives, bilan du quinquennat socialiste.

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Elle a entrepris de livrer bataille avant l’heure. Après avoir sillonné les différentes communes de Niamey, depuis quelques semaines, la coalition de l’opposition parcourt le Niger profond afin d’informer les populations des « conditions déplorables », dit-elle, dans lesquelles se préparent les élections présidentielle, législatives et communales de 2016. Il s’agit aussi pour les détracteurs du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya, au pouvoir) de faire étalage de leurs forces.

Créé le 17 août dernier, le Front patriotique républicain (FPR) réunit en effet une trentaine de partis politiques, des formations syndicales et des organisations de la société civile. Son arme fatale : le consensus. Tous ces partis iront à la bataille ensemble ; ils présenteront trois ou quatre candidats à l’élection présidentielle et se réuniront au second tour autour de la candidature du qualifié. Pour les communales et les législatives, des listes communes sont envisagées dans certaines régions.

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Une coalition confiante

Quand il évalue ses forces, le FPR estime que seule une région sur huit échappe à son contrôle, celle de Tahoua. À l’entendre, les fiefs de Tillabéri-Niamey, Maradi et Zinder seraient acquis respectivement au Mouvement démocratique nigérien pour une fédération africaine (Moden-Lumana) de Hama Amadou, au Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara, l’ancien parti unique) de Seini Oumarou et à la Convention démocratique et sociale (CDS-Rahama) de Mahamane Ousmane, tous membres de la coalition.

Selon eux, les calculs sont simples : si cette fois-ci leurs partis font alliance, cela devrait signifier la victoire pour l’un deux en 2016

« Les électeurs votent pour une personnalité, pas pour un parti », tient à souligner Hama Amadou, le président du Moden-Lumana, qui promet une alliance des trois principaux partis de la coalition à Agadez pour affronter le candidat du PNDS-Tarayya. Au regard des circonscriptions dominées par les grandes formations du FPR, ses leaders sont convaincus d’obtenir une majorité écrasante dans la prochaine Assemblée nationale.

Et ils ne manquent pas de rappeler les bons résultats qu’ils ont obtenus aux législatives de 2011, à l’issue desquelles le MNSD-Nassara a obtenu 26 sièges sur 113 et le Moden-Lumana 25, contre 37 pour le PNDS-Tarayya. Ils rappellent aussi que, malgré le ralliement de Hama Amadou (qui avait récolté 19,8 % des suffrages au premier tour) à Mahamadou Issoufou au second tour de la présidentielle, Seini Oumarou était tout de même parvenu à réunir près de 42 % des suffrages sur son nom. Alors, selon eux, les calculs sont simples : si cette fois-ci leurs partis font alliance, cela devrait signifier la victoire pour l’un deux en 2016.

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Mais les membres de la coalition savent aussi qu’il leur faut reconquérir les conseils communaux et régionaux au sein desquels ils avaient la majorité et qui leur ont échappé, soit parce que certains maires et conseillers élus sous l’étiquette d’un parti de l’opposition ont finalement rejoint le parti présidentiel (la moitié des maires élus sous la bannière de l’opposition, notamment MNSD et CDS, sont passés sous celle du PNDS-Tarayya entre 2011 et 2015), soit parce qu’ils ont été révoqués par le ministre de l’Intérieur pour divers motifs, soit, enfin, en raison de la nouvelle loi électorale.

Les formations politiques plus petites, en particulier celles qui ne sont pas représentées au Parlement, parient davantage sur les communales (pour le moment programmées le 9 mai 2016) afin de gagner du terrain. Elles entendent réunir le plus grand nombre possible de conseillers aux locales, former des listes communes avec des partis plus importants aux législatives et, à défaut de présenter des candidats à la présidentielle faute de moyens, elles savent que leur soutien à l’un ou à l’autre des prétendants à la magistrature suprême comptera.

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Rassemblés pour le second tour

Pour la présidentielle, les leaders du FPR conviennent que ce serait une erreur de croire qu’il suffit de constituer une coalition dès le début de la campagne pour battre un candidat, en l’occurrence le président sortant. « Ce serait faciliter la fraude que tente d’organiser le régime. Nous ne tomberons pas dans ce piège », confie Mahamane Ousmane, à la tête de la coalition. Pour mobiliser pleinement ses partisans dans ce système à deux tours, l’ancien chef de l’État explique la stratégie envisagée : « Les grands partis ont besoin de présenter des candidats au premier tour. Il est clair qu’aucun d’entre nous ne l’emportera dès ce premier tour, mais, au second, nous nous rassemblerons autour du candidat de l’opposition le plus susceptible de l’emporter face au président sortant. »

Le Moden-Lumana veut bien suivre cette partition, à condition que tous les protagonistes jouent pleinement le jeu. Un cadre du parti de Hama Amadou rappelle qu’en 2011 les militaires et partisans de Mahamadou Issoufou poussaient les autres grands partis à boycotter les législatives et avaient organisé leur défaite dans les localités où se présentaient de petites formations, dont une quarantaine firent alliance pour soutenir le candidat Issoufou à la présidentielle.

Le Moden-Lumana avait alors constitué un premier front anti-Issoufou en créant l’Alliance pour la réconciliation nationale (ARN), qui réunissait l’ensemble des partis s’opposant au PNDS-Tarayya. Mais, à la dernière minute, le refus de Seini Oumarou d’appeler à voter pour les candidats du Moden-Lumana aux législatives avait mis fin à l’accord. « Il n’était plus question que Hama Amadou demande à ses partisans de voter pour Seini Oumarou au second tour de la présidentielle. C’est ce qui a sauvé Issoufou. »

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