Inde : lutte des castes entre patels et intouchables au Gujarat

Dans les universités et l’Administration, les patels, qui sont des privilégiés, veulent abolir les quotas favorisant les intouchables, qui ne le sont pas.

À Ahmedabad, le 25 août, des manifestants brandissent un portrait de Sardar Vallabhbhai Patel, compagnon de Gandhi et héros de la lutte pour l’indépendance. © Ajit Solanki/AP/SIPA

À Ahmedabad, le 25 août, des manifestants brandissent un portrait de Sardar Vallabhbhai Patel, compagnon de Gandhi et héros de la lutte pour l’indépendance. © Ajit Solanki/AP/SIPA

Publié le 7 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Mais qui est donc Hardik Patel ? Il y a encore quelques semaines, son visage poupon orné d’une fine moustache était inconnu du grand public. Aujourd’hui, ce jeune (22 ans) diplômé d’une école de commerce est en passe de devenir la coqueluche des médias. Et la bête noire du gouvernement. On l’a vu à la tête de toutes les manifestations qui, fin août, ont secoué l’État du Gujarat (Ouest).

Mouvement pour les droits des patels

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Patel milite pour que les siens, les patels, une caste influente de fermiers et de petits entrepreneurs, obtiennent les mêmes droits que les intouchables et autres castes « arriérées ». À savoir des quotas d’admission dans les universités et les administrations. « Des jeunes ayant obtenu de brillants résultats scolaires se voient refuser l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur », proteste-t-il. Bref, il veut une sélection au mérite, et non plus fondée sur l’origine sociale.

Le 6 juillet, la première manifestation rassembla 25 000 personnes. Les 25 et 26 août à Ahmedabad, la capitale économique du Gujarat, les manifestants étaient un demi-million. La contestation a pris une tournure brutale et dix personnes sont mortes. Pour la première fois depuis les tragiques affrontements de 2002 entre musulmans et hindous, un couvre-feu a été instauré. À l’époque, le gouverneur de l’État se nommait Narendra Modi. Il est aujourd’hui Premier ministre de la fédération indienne.

Patel ne cache pas sa proximité idéologique avec Bal Thackeray, le fondateur d’un parti extrémiste hindou

Le mouvement menace à présent de s’étendre. Arrivé à New Delhi le 29 août, Patel, qui, quelques jours plus tôt, avait été brièvement arrêté par la police avant d’être relâché, ne cache plus ses ambitions nationales. Il a pris contact avec dix membres de sa communauté originaires d’autres États, et tente de rallier d’autres castes à sa cause, ce qui n’est pas illusoire puisque les revendications des uns et des autres sont très proches.

Exemple ? Les gujjars du Rajasthan et de l’Uttar Pradesh (UP), ainsi que les jats de l’Haryana, de Delhi et de l’ouest de l’UP. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas tardé à réagir. « Dans la capitale et ailleurs, nous sommes prêts à bloquer le réseau ferré, les routes, et toute la distribution de l’eau et de l’électricité si nous n’obtenons pas gain de cause », a menacé Dharmveer Chaudhary, un de leurs leaders.

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Qui est derrière le mouvement ?

Reste à savoir pour qui roule vraiment Hardik Patel. « On nous prête des accointances avec le Congrès, le principal parti d’opposition. On nous soupçonne parfois d’être soutenus par une frange du Bharatiya Janata Party (BJP) au pouvoir, voire par l’Aam Aadmi Party, une formation qui lutte contre la corruption. La vérité est que nous sommes apolitiques », dit-il.

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Cela reste à démontrer. Car le jeune leader ne cache pas sa proximité idéologique avec des hommes comme Bal Thackeray, le fondateur du Shiv Sena, un parti extrémiste hindou, ou Bhagat Singh, un révolutionnaire socialiste qui joua un rôle dans la lutte pour l’indépendance. Selon certains analystes, le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), vieille formation hindouiste qui est un peu la matrice idéologique du BJP, serait le véritable instigateur du mouvement.

« L’objectif du RSS est de lancer un débat sur la politique de réservation et de préparer le terrain à son remplacement par une politique fondée sur des critères socio-économiques », rapporte le quotidien gujarati Divya Bhaskar. D’autres ne voient dans tout ça qu’opportunisme politique et manipulation de la part de l’opposition. « Si Modi ne parvient pas à apaiser la fronde, le BJP pourrait en faire les frais lors des prochaines élections au Bihar », estiment certains.

Pour l’heure, le parti au pouvoir – qui a bénéficié du soutien électoral des patels – refuse d’accéder à leur demande. De son côté, Hardik Patel semble prendre goût à sa nouvelle notoriété. Son prochain objectif ? L’organisation d’une grande manifestation à New Delhi, le mois prochain. « Pour l’instant, nous nous inspirerons de Gandhi et de Vallabhbhai Patel, mais s’il le faut, nous mettrons nos pas dans ceux de Bhagat Singh. » Tout un programme !

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