Tunisie sous Marzouki : le palais de Carthage déboussolé

Pendant la transition, le Palais de Carthage a vécu au rythme des humeurs de Moncef Marzouki. Un changement de moeurs par rapport à celles de son prédécesseur, pour sûr ! Retour sur de drôles d’épisodes.

Le président Moncef Marzoukii en décembre 2011. © Fethi Belaid/AFP

Le président Moncef Marzoukii en décembre 2011. © Fethi Belaid/AFP

Publié le 11 août 2015 Lecture : 2 minutes.

Le palais présidentiel du quartier du Plateau, à Dakar, Sénégal. © Issouf Sanogo/AFP
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Dans les secrets des palais présidentiels africains

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Le président provisoire désigné par la Constituante en 2011, Moncef Marzouki, semble avoir été quelque peu déboussolé par ce statut. Des membres de sa garde rapportent avoir eu fort à faire avec lui pendant toute sa présidence, et se demandent encore s’il ne s’en amusait pas, tout simplement…

Boute-en-train ou tête en l’air ? Il aurait ainsi déclenché les alarmes en s’allongeant sur les pelouses du palais de Carthage après avoir reçu des amis à dîner. Les officiers qui lui enjoignaient de se relever auraient eu beaucoup de mal à lui faire entendre raison, au point de devoir faire appel, en pleine nuit, à son staff. Imprévisible et têtu, Marzouki !

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Un président qui n’en faisait qu’à sa tête

Le 9 avril 2012, à l’occasion de la célébration de la fête des martyrs, la chaîne nationale El-Wataniya 1 se rend au palais pour en interviewer le locataire. Ce jour-là, les Tunisiens sont particulièrement remontés contre le ministère de l’Intérieur, qui vient d’interdire toute manifestation. Bravant les consignes, des irréductibles descendent dans la rue. Parmi eux, des figures de la société civile et des journalistes, très vite pris à partie par la police. Cet événement aurait pu être embarrassant pour le président de la transition et écorner son image de défenseur des droits de l’homme. « Que se passe-t-il dehors ? Racontez-moi », demande-t-il à la maquilleuse, faisant mine de n’être au courant de rien. Boute-en-train, on vous dit !

Pendant ce temps, son directeur de cabinet, Imed Daïmi, tente d’éviter tout contact entre le chef de l’État et l’équipe de tournage, sous couvert de protocole. Au grand dam des techniciens : « Les temps ont bien changé. Ben Ali, lui, venait au moins nous saluer. Et on nous servait des rafraîchissements », témoigne l’un d’eux, la gorge encore sèche.

Répondant à une question sur les salafistes, Marzouki les qualifie en passant de « parasites »

Tout le monde attend Marzouki pour commencer l’interview. Mais, sans tenir compte des contraintes du direct, celui-ci prend tout son temps pour rejoindre le plateau installé dans le hall du palais. Le service du protocole insiste particulièrement sur le silence qui doit régner au moment de son entrée. Lorsqu’il se présente enfin, le visage fermé, il se contente d’un vague signe de tête en guise de salut. Seules les mouches sont audibles tandis que le journaliste Elyes Gharbi se demande, anxieux, comment gérer l’humeur de son hôte. Soucieux du détail, un éclairagiste décide de déplacer délicatement un spot. La colère du chef est immédiate : « S’il y a encore un bruit, je m’en vais ! » À bon entendeur…

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L’interview commence enfin. Imed Daïmi pense le pire évité. C’est compter sans Marzouki lui-même qui, répondant à une question sur les salafistes, les qualifie en passant de « parasites ». Interloqué, persuadé qu’il s’agit d’une faute politique, son directeur de cabinet suggère de couper ce passage immédiatement. « Impossible, c’est du direct. Et ce n’est pas si important », lui rétorque sèchement Abdelaziz Krichen, alors conseiller politique. S’engage alors une discussion sans fin, tandis que le président, imperturbable, poursuit son interview sur les ondes.

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