Gabon – Guy Rossatanga-Rignault : « Le processus de reproduction de l’élite commence seulement »

Pour ce professeur à la faculté de droit et de sciences économiques de l’université Omar-Bongo de Libreville, le cas gabonais est éloigné de l’idée que l’on se fait habituellement du concept de « grande famille ».

Guy Rossatanga-Rignault. © David Ignaszeweski pour J.A.

Guy Rossatanga-Rignault. © David Ignaszeweski pour J.A.

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Publié le 30 juillet 2015 Lecture : 2 minutes.

Dans le secret des grandes familles… © J.A.
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Gabon : dans le secret des grandes familles

Apparues au tournant du siècle dernier, elles ont façonné le pays et en détiennent, aujourd’hui encore, les principaux leviers politiques et économiques. Enquête sur une élite très attachée à ses privilèges.

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Jeune Afrique : Pourquoi contestez-vous l’existence de « grandes familles » au Gabon ?

Guy Rossatanga-Rignault : Il est vrai que de certains « grands noms », notamment ceux des « pères fondateurs », on a déduit l’existence de « grandes familles ». Mais on est, dans le cas gabonais, fort éloigné de l’idée qu’on se fait habituellement du concept de « grande famille » dans l’analyse sociologique classique. L’idée de « grande famille » suppose une lignée ayant subi avec succès l’épreuve de l’efficacité dans son champ d’action et de la pérennité dans une durée qui s’établit en siècles. Ce n’est pas le cas au Gabon, où le processus de reproduction de l’élite au sens de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron commence seulement. Attendons donc un peu. En outre, on constate aussi, depuis peu, une certaine contestation de ces « héritiers » par quelques « plébéiens » partisans d’un certain égalitarisme, voire d’une égalité absolue.

Les alliances matrimoniales ont toujours eu une utilité sociale et politique »

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Mais le fait est que, dans certaines familles, même s’ils en sont passés par les urnes, le fils, le petit-fils ou le neveu viennent souvent s’asseoir sur le siège anciennement occupé par le grand-père…

C’est un fait que nombre d’« héritiers » ont pu récupérer des charges politiques. Et cela est encore plus manifeste si on prend en compte le fait que ces héritiers ne portent pas toujours le nom de leur père ou de leur oncle. Beaucoup ne sont même pas identifiés comme tels, et seules quelques personnes sont en mesure d’assurer une traçabilité entre telle personnalité actuelle et telle autre des débuts de la République.

Les mariages qui unissent les enfants de ces différentes familles ont-ils une utilité sociale ?

Je ne tiens pas le registre du bottin mondain local, mais les alliances matrimoniales ont toujours eu une utilité sociale et politique. C’est encore plus vrai dans les nations en construction comme les nôtres.

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Comment expliquer que ces familles votent traditionnellement en faveur du pouvoir ?

Je ne suis pas absolument certain qu’il existe en tant que tel un vote collectif, mais il y a incontestablement un vote légitimiste chez nombre de membres de ces familles qui peut s’expliquer autant par une espèce d’héritage idéologique que par la volonté ou la nécessité de conserver des positions. Cela dit, depuis 1990, toutes les familles, y compris les « grandes », sont traversées par la ligne de fracture entre le PDG [le Parti démocratique gabonais] et l’opposition.

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Peuvent-elles, par leurs réflexes parfois conservateurs, constituer un frein à la volonté de réformer le pays ?

Elles peuvent être autant un frein qu’un élément de stabilisation. Tout est fonction de l’idée qu’elles se font de la République.

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