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Formation au Maroc : pourquoi le royaume abandonne le système LMD au profit du bachelor à l’université ?

Avec l’adoption du bachelor dès la rentrée universitaire 2020, le royaume veut donner un coup de boost à l’enseignement supérieur et rendre ses étudiants plus compétitifs sur la scène internationale.

Par - à Maroc
Mis à jour le 5 avril 2021
École Hassania des Travaux Publics à Casablanca (EHTP) © Hassan OUAZZANI/Jeune Afrique/2012

Hassan OUAZZANI/Jeune Afrique/2012

Avec l’adoption du bachelor dès la rentrée universitaire 2020, le royaume veut donner un coup de boost à l’enseignement supérieur et rendre ses étudiants plus compétitifs sur la scène internationale.

Dès la rentrée universitaire 2020, tous les marocains entrant en première année d’université seront soumis au régime du Bachelor, un modèle inspiré par les pays anglo-saxons et qui s’étale sur quatre années d’études universitaires. Il va ainsi mettre fin de manière progressive, au système « licence master doctorat » (LMD) en vigueur depuis 2004.

Ce changement va permettre de « s’arrimer aux standards internationaux » a tweeté mi-janvier, Saïd Amzazi, ministre de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.

« Cette réforme est en l’état une bonne chose » confie à Jeune Afrique Hassan El Mokhtari, représentant délégué du Cnam au Maroc. Selon lui, le système LMD n’est pas en adéquation avec le marché du travail actuel car « trop théorique ». Une étude du Haut commissariat au plan rapporte qu’en 2016, plus de 25 % des titulaires d’une licence des universités à accès ouverts étaient au chômage.

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Adéquation au marché du travail

Le bachelor sera un cursus composé de plusieurs modules que chaque étudiant devra valider sous quatre années afin d’obtenir les 240 crédits nécessaires pour obtenir le diplôme.

 « Le système actuel et le Bac + 3 n’est pas suffisant pour former à un métier » juge Iliya Komarez, directeur général de l’EM Lyon Casablanca. Il juge que celui-ci est en concurrence avec d’autres formations techniques hors des champs universitaires.

Diplômé en comptabilité, le dirigeant assure que « dans cette discipline, on peut se former en un an via une formation technique. On y sort plus opérationnel qu’un étudiant qui a suivi une licence de comptabilité à l’université ».

Alors avec l’introduction de cette réforme, le gouvernement souhaite faire de l’insertion professionnelle des étudiants en fin de cursus l’une de ses prérogatives. Pour ce faire, le système bachelor va instaurer le projet de fin d’étude (PFE), considéré comme le volet majeur de la réforme. Celui-ci intervient en 3ème et 4ème année. Il permet à l’étudiant de suivre ses semestres 7 et 8 soit sous forme de stage professionnel, d’étude sur le terrain ou encore de création d’entreprise.

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Ce volet est crucial selon Hassan El Mokhtari car il « propose un cadre incitatif aux entreprises en les incluant dans le fonctionnement du système universitaire ». En se familiarisant avec le monde du travail, les étudiants seront aptes à travailler dès la fin de leurs formations. Les cursus vont également renforcer la maîtrise de langues étrangères des étudiants marocains en leur délivrant des certificats dans ce domaine.

La motivation des enseignants est très importante pour porter un changement de ce genre. Si les choses se passent autrement, les contenus pédagogiques seront appauvris. »

Puis, l’accent sera mis sur un aspect aujourd’hui prisé par les entreprises : les compétences comportementales comme la créativité ou l’intelligence émotionnelle, aussi appelées soft skills. Enfin, la culture générale va être renforcée en permettant aux étudiants d’avoir la liberté de choisir des matières aussi bien en sciences qu’en littérature comme dans le modèle américain.

Une réforme nécessaire mais accélérée

Au Maroc,enseignants et syndicats s’accordent à dire qu’il faut profondément réformer le système universitaire qui est à bout de souffle. C’est entre autres le cas de Mohamed Bouansr, Vice-secrétaire général du syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP). Le ministère de l’Enseignement supérieur appuie cet argument en déclarant que 47,2% des universitaires abandonnent leurs études sans aucun diplôme. 

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Par ailleurs, la rapidité avec laquelle la décision a été prise provoque des mécontentements. Contacté par Jeune Afrique, Mohamed Bounasr déplore un manque de concertation : « Les enseignants n’ont pas été convié à donner leur point de vue. Il est annoncé que la mesure va entrer en vigueur dès la rentrée prochaine. Alors, il faut très vite associer les départements et les conseils d’université. La motivation des enseignants est très importante pour porter un changement de ce genre. Si les choses se passent autrement, les contenus pédagogiques seront appauvris. »


La destination France boudée ?

Alors que la mobilité internationale des étudiants avec le Bachelor fait partie de l’une des motivations du ministère de l’Éducation, il risque néanmoins de susciter l’effet inverse auprès de la France, partenaire historique du royaume.

En 2017, les étudiants marocains étaient environ 40 000 – représentant 12% des étudiants – à étudier dans l’Hexagone. Qu’en sera-t-il avec ce nouveau système ? Si côté français l’on préfère rassurer en avançant que l’Hexagone accueille nombres d’étudiants issues de système anglo-saxons, force est de constater que les étudiants américains, britanniques et autres étudiants en France sont pour la plupart sous le coup d’un système d’échanges inter-universitaires.

A contrario, les étudiants marocains souhaitant étudier en France dans les années à venir risquent d’être confrontés au problème lié à la validation de leurs acquis. En effet, un étudiant en 3ème année au Maroc peut se voir rétrograder s’il veut postuler en France et vice-versa.