Universités

Tunisie : doctorants et enseignants dénoncent le manque de moyens à l’université

Manque de moyens, chômage, fuite des cerveaux. En Tunisie, les doctorants et enseignants-chercheurs des universités publiques multiplient les grèves pour tenter de faire bouger un ministère avare en solutions.

Par - à Tunisie
Mis à jour le 1 août 2019
En 2017, 69 % des titulaires d’un doctorat en Tunisie étaient au chômage. © Tyler Callahan/Unsplash.

Tyler Callahan/Unsplash.

Manque de moyens, chômage, fuite des cerveaux. En Tunisie, les doctorants et enseignants-chercheurs des universités publiques multiplient les grèves pour tenter de faire bouger un ministère avare en solutions.

Au troisième étage de la faculté du 9 avril à Tunis, Riadh est excédé : « il y a de quoi vouloir en finir », lance cet étudiant en première année de master en sociologie. Son année n’a pas été validée et il estime avoir été lésé par les grèves qui ont plombé l’année universitaire.

Comme nombre de ses camarades, Riadh a été pris en étau dans le bras de fer engagé par le syndicat de l’Union des enseignants universitaires et chercheurs tunisiens (Ijaba) et le ministère de l’Enseignement Supérieur. Résultat, beaucoup d’examens n’ont pas été tenus et des mesures exceptionnelles ont été prises pour la validation de l’année à partir des évaluations disponibles.

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Un secteur délaissé

Nejmeddine Jouida, coordinateur général national d’Ijaba estime comme les étudiants que « ces décisions portent préjudice à la crédibilité des diplômes scientifiques ». « Ce sont des mesures d’usage. L’administration a le devoir d’assurer la continuité du service », réplique Driss Sayeh, conseiller auprès du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.

Nos budgets ont été réduits à peau de chagrin si bien que nous ne produisons plus. »

Affligés par le manque de moyen de l’enseignement supérieur qui finit par entamer le niveau des étudiants dans les établissements publics, des enseignants appellent à la mise en place de réformes qui tardent à venir.

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« L’université tunisienne était pourtant un fleuron d’excellence », assure un membre du Conseil scientifique de la faculté de la Manouba qui déplore le manque de moyens octroyés aux universités et s’inquiète de la somnolence de la recherche. « Nos budgets ont été réduits à peau de chagrin si bien que nous ne produisons plus. Malgré les encouragements, la recherche est le parent pauvre du système supérieur ; il suffit de constater la baisse du nombre de publications » précise-t-il. De fait, l’enseignement supérieur ne représentait plus que 5 % du budget de l’État en 2015 quand il dépassait les 6 % en 2010.

L’enjeu est essentiel pour la Tunisie où l’exode des cerveaux concerne également les enseignants. Il rend crucial le problème de l’avenir de l’université d’autant que les concours de recrutement sont se font rares depuis la révolution.

« J’ai suivi l’orientation qui m’a été imposée par le ministère. Personne ne m’a dit que je m’inscrivais dans une fabrique de chômeurs ! », regrette Héla, 29 ans, docteure en lettres anglaises diplômée depuis janvier 2019. Son parcours du combattant n’est pas fini pour autant, car elle peine désormais à trouver un emploi.

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L’entrepreneuriat comme solution

En Tunisie, le taux de chômages des diplômés de l’enseignement supérieur dépasse les 28 %. Et les titulaires de doctorat sont particulièrement touchés : en 2017, la coordination des doctorants et docteurs de l’université El Manar avait conclu que 69 % des docteurs étaient au chômages. En réponse, le gouvernement a trouvé une maigre consolation et propose aux titulaires de diplômes de se lancer dans l’entrepreneuriat privé avec des formations en gestion financées par l’État. « Cette tendance de start-up tous azimuts est risquée ; on ne mesure pas encore le taux d’échec », alerte cependant Maher Ben Jaafar qui prépare un projet de micro édition.

Envisageable pour certaines spécialités comme l’informatique et les multimédias, la solution paraît moins adaptée à des jeunes diplômés en sciences humaines.