Autour de cette aire protégée de 5. 260 km2, vivent près de 50. 000 personnes dans une centaine de villages et quatre villes dont Lomié.
A l’image de Vincent, beaucoup d’hommes de cette région sont des braconniers. Leur terrain de chasse, la réserve de Dja, accueille 109 espèces de mammifères (éléphants, buffles, gorilles, chimpanzés, panthères. . . ), 380 types d’oiseaux ou 60 variétés de poissons.
« C’est grâce à la chasse que j’élève mes sept enfants », affirme-t-il, en ajoutant toutefois qu’elle ne lui apporte que de « maigres revenus ».
Pour chasser, Vincent utilise une arme de calibre 12 « légale », selon lui, mais aussi des pièges. « En dehors des espèces avec de grands pieds comme l’éléphant ou le buffle, mes pièges prennent tous genres d’animaux », explique-t-il, en citant notamment la panthère et le pangolin géant, deux espèces protégées.
« Les braconniers ont construit un peu partout dans la réserve de petits campements de fortune où ils peuvent séjourner parfois jusqu’à 10 jours », le temps notamment que les pièges qu’ils tendent aux animaux fassent de bonnes prises, précise Jean-Blaise Essomba, un éco-garde en charge de la surveillance de la réserve.
En novembre 2009, révèle-t-il, « plus de 1. 200 pièges ont été identifiés et détruits » par les éco-gardes.
Les animaux tués sont surtout vendus aux restaurateurs de Lomié.
« La pression sur la réserve est trop forte », souligne un des responsables locaux du ministère des Forêts et de la Faune (Minfof), Serge Meye. Selon lui, si le braconnage grimpe dans la région c’est avant tout « à cause des habitudes alimentaires et de la pauvreté ».
« Les gens sont extrêmement pauvres: en dehors des activités d’exploitation forestière et minière, il n’y a plus d’autres activités » créatrices d’emplois, explique-t-il.
Il raconte que les jeunes braconniers qui « disent se débrouiller » ne respectent pas les prescriptions sur les espèces protégées, inscrites sur des plaques posées partout dans la zone de Lomié.
« La vente des animaux procure aux populations de quoi acheter du sel, du savon, du pétrole », affirme Suzanne Eyenga, conseillère municipale et membre du Comité paysans forêt (CPF) de Lomié, chargé de dénoncer auprès des autorités locales les actes de braconnage et la coupe illégale de bois.
« La viande de brousse est pour nous une nourriture qu’on apprécie plus que tout: nous la mangeons tous les jours et à toute heure », reconnaît-elle.
Selon elle, un braconnage beaucoup plus structuré et dangereux sévit dans la région avec des objectifs plus lucratif: « des gens arment les chasseurs » pour abattre des espèces prisées, comme l’éléphant dont les défenses sont vendues au Cameroun et à l’étranger, explique-t-elle.
Ce braconnage est très souvent entretenu par « des personnalités locales connues et bénéficiant de couvertures », renchérit sous anonymat un responsable local du Minfof.
La lutte contre le braconnage est difficile du fait du manque de moyens matériels et humains, selon l’éco-garde Essomba. « Un éco-garde doit surveiller tout seul plus de 10. 000 hectares dans la réserve du Dja. Ce n’est pas possible ».
Ce combat ne produira pas les fruits escomptés tant qu’il n’y aura pas d’ »alternatives aux questions de pauvreté », conclut M. Meye.