
Le président camerounais Paul Biya à son arrivée à Maroua, le 29 septembre 2018. © AFP | ALEXIS HUGUET
« C’est comme si le ciel s’était arrêté » : quand l’avion de Paul Biya a atterri samedi à Maroua, capitale de l’Extrême-Nord du Cameroun, un journaliste de la radio d’État, euphorique, a décrit minute par minute l’arrivée du président pour sa première visite en province depuis six ans.
Assis sur le perron du pavillon présidentiel de l’aéroport, le journaliste raconte aux auditeurs de la CRTV la descente d’avion du président, 85 ans dont 35 au pouvoir et candidat le 7 octobre à un septième mandat.
Quelques minutes plus tard, un chef de quartier de Maroua, en pagne aux couleurs présidentielles, saute de joie et prend dans ses bras son voisin : sa main tendue a effleuré celle du président vénéré sur le tapis rouge. Autour du tarmac, des dizaines de délégations ont attendu depuis l’aube l’arrivée du président, en début d’après-midi.
« On est fier qu’il soit là, fier qu’il pense à nous », raconte un autre militant, également en pagne bleu et blanc floqué d’un portrait du président. « C’est avec une joie à peine dissimulée que l’on couvre cet événement », raconte encore au micro le journaliste de la CRTV.
Première visite officielle depuis 2012
De fait, le déplacement du président-candidat Paul Biya à l’Extrême-Nord est un événement, puisque c’est sa première visite officielle depuis 2012 dans une province camerounaise.
Pour préparer au mieux le meeting, tout a été organisé la semaine précédant sa venue, même si l’annonce officielle n’a été faite que vendredi. En amont, une douzaine de ministres – ceux originaires de la région, sur les 65 du gouvernement – étaient venus pour « mobiliser » les foules.
L’administration et le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) ont largement mis la main à la poche. Des véhicules du génie militaire ont réhabilité la route sur laquelle est passé le convoi de M. Biya, ainsi que les lampadaires. « Le RDPC nous a promis le bitume et la lumière », sourit un chauffeur de taxi-moto.
Mais dans le quartier Maroua-3, des jeunes à qui on avait promis 3 000 francs CFA (4,5 euros) pour nettoyer le quartier en vue de l’arrivée du président n’ont finalement reçu que 1 600 francs. « Alors ils ont « grévé » », soupire un proche de l’organisation du meeting, mécontent de ce hic alors que toute la ville, capitale d’une région pauvre et hantée par les attaques à répétition des jihadistes nigérians de Boko Haram, s’est parée des couleurs bleus des panneaux « Paul Biya ».
Rassembler le plus possible
Vendredi soir, Joshua Osih, candidat du principal parti d’opposition, y a tenu meeting, lui aussi. Il n’y avait que quelques centaines de personnes présentes, sur une petite estrade, de nuit, à Maroua-3.
Vendredi et samedi matin, des centaines de minibus couverts d’affiches « Biya » ont convergé vers Maroua sur les routes cabossées de l’Extrême-Nord. Ils venaient du reste de l’Extrême-Nord, mais aussi des régions voisines.
« Je viens de Ngaoundéré (dans la région de l’Amadaoua) pour transporter des militants, le RDPC a payé », indique un chauffeur à Maroua, quand Abdoulaye, de Mora, une ville de l’Extrême-Nord, affirme que son « oncle a été réquisitionné pour amener des militants dans son minibus ».
Pour tous les militants rencontrés, l’objectif de ce grand raout présidentiel était identique : rassembler le plus possible dans une région qui avait très largement voté pour Biya en 2011.
« Le RDPC a déjà décollé, Paul Biya est notre pilote, votons le à 100% », fredonnaient des militantes en attendant l’arrivée du président, samedi matin.
2 000 francs CFA pour venir
Sous un soleil de plomb, l’attente de « l’homme de l’émergence et du futur », comme il fut décrit dans son discours par le président de l’Assemblée nationale, Djibril Cavaye Yeguie, aura été longue pour les militants.
Ceux-là ont été payés pour venir, selon l’affirmation de certains d’entre eux à l’AFP. « 2 000 francs (3 euros), mais c’est pas assez », soupire l’un d’eux. Lors du meeting, ils étaient face à la tribune présidentielle, qui abritait aussi des hauts dignitaires du parti et de l’administration venus des trois régions du nord du pays et de Yaoundé.
Au total, le président aura parlé une quinzaine de minutes, pour sa première parole publique depuis février. Dans cette région la plus pauvre du Cameroun, il a remercié les habitants pour la « chaleur de leur accueil », et promis la prospection pétrolière ainsi que le retour du tourisme, évanoui avec les attaques de Boko Haram.
Il devait initialement rester la nuit à Maroua. Finalement, l’avion présidentiel a redécollé avant 20 heures vers Yaoundé, sept heures après son arrivée. Samedi soir, les taxis-motos recommençaient à circuler en ville. Durant deux jours, les sirènes des forces de sécurité avaient remplacé les klaxons des motos.
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